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DERNIER ACTE ou l’art de l’improvisation en série !

On ne se rend pas forcément compte de la richesse des catalogues des plateformes de streaming et parfois, on découvre des séries peu connues. Ce fut mon cas pour DERNIER ACTE, une série française de Karim Alliane disponible sur Amazon Prime Video. Cette série a été conçue de façon innovante puisque les 6 épisodes son tournés en temps réel, en un seul plan séquence, où les acteurs improvisent à partir d’un scénario sans dialogues pré-écrits, avec uniquement un conducteur décrivant simplement les situations et les actions. Au final, ça marche car on se laisse assez vite prendre par la soirée marathon de Max Kervalo, acteur-improvisateur, qui mène une vie dissolue, faite d’excès en tous genres et de conquêtes multiples. Lorsqu’il apprend le retour de l’amour “perdu” de sa vie, pour laquelle il avait quitté sa femme après 15 ans de mariage, il se lance dans une quête impossible. Pour la reconquérir, il devra réparer, au cours d’une nuit aussi folle que dangereuse, les erreurs qu’il a commises.

Pour parler de cette initiative sérielle originale Dernier Acte, j’ai pu poser quelques questions au créateur de la série Karim Alliane qui a gentiment accepté de répondre.

 

La genèse de DERNIER ACTE

Quelle est la genèse de la série ? Qu’est-ce qui lui a plu dans l’idée de Franck Soullard ? 

Karim Alliane : « C’est avec ce projet que j’ai rencontré Franck Soullard il y a 15 ans. À l’époque, l’histoire avait la forme d’un roman qu’il avait écrit et qui s’appelait « La Grande Correction ». Les personnages n’étaient pas les mêmes et l’intrigue était différente. Mais ce qui m’a séduit et que j’ai gardé en tête, c’est l’histoire, l’idée : un homme apprend le retour de son amour de jeunesse et décide de corriger sa vie dans la même journée pour reconquérir cette femme lors de l’anniversaire de sa sœur.  Ce qui me plaisait dans le roman, c’est le sentiment d’urgence que j’ai ressenti à la première lecture et que j’ai essayé de retranscrire dans cette série.  En 15 ans ce projet a eu le temps de prendre différentes formes (série, unitaire, film de cinéma), mais n’avait jamais abouti. Il aura fallu attendre 2018, et ma rencontre avec Julie Chaize et sa boîte de production Mothers in Trouble, pour que le projet aboutisse en prenant la bonne forme, en passant par l’impro et le plan séquence ».

 

La réalisation de la série

  • Pourquoi le choix d’un seul plan séquence ? 
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© Mothers in Trouble

Karim Alliane : « Pour ce projet, tout est lié. Si l’on parle plan séquence, il faut parler impro et donc méthode de travail.  Le choix du plan séquence s’est imposé avec la volonté de partir sur une forme improvisée pour les acteurs. Il m’est apparu assez logique de faire ce choix, de concevoir chaque épisode comme un « saut en parachute », intense, mais court. On répète les mouvements au sol, l’avion décolle et on se lance.  Chaque épisode a été tourné en une soirée. Ils étaient bien sûr précédés d’une phase de répétition mécanique où l’on faisait en live tous les déplacements pour l’équipe technique ainsi qu’une répétition du déroulé de l’action, des grandes lignes de l’épisode. L’idée était de préserver un maximum la spontanéité du jeu et des réactions des acteurs. Mon but était d’offrir aux acteurs et actrices une expérience de jeu différente, avec une énorme liberté dans leurs mouvements et leur interprétation. Pour les aider à construire leur performance, j’ai fourni à chaque acteur un scénario sans dialogue décrivant uniquement les situations, le déroulé des actions qui les concernaient et une biographie très détaillée de leur personnage comprenant : 

  • La vie de ses parents 
  • Sa naissance 
  • Son enfance et son adolescence 
  • Ses traumas 
  • Sa vie d’adulte au moment de la série 

Nous avons ensuite répété ensemble, dans un théâtre, différents moments de leur vie, sans jamais aborder les situations du scénario que nous allions tourner. Ainsi, pour garder le plus de spontanéité possible, certains acteurs se sont rencontrés seulement le jour de la prise. Dernier Acte est aussi une ode à la vie d’artiste et à ce métier difficile qu’est celui de comédien. Dépendant toujours du désir de l’autre, il me semblait important de leur rendre hommage en utilisant une forme à mi-chemin entre le cinéma et le théâtre ».

 

Quelles ont été les principales difficultés de tournage ? 

Karim Alliane : « Il y a eu beaucoup de difficultés techniques et c’est un enfer logistique. Par exemple, toutes les conversations téléphoniques sont en direct. Je remercie toute mon équipe, qui s’est littéralement pliée en quatre pour faire sonner les téléphones au bon moment, être dans les bons timings d’envoi des messages.  Globalement, vu qu’il n’y a pas de coupe, vous êtes obligés de composer avec l’environnement, que ce soit un escalier trop petit, les poubelles sur le trottoir, gérer le hors champs et les gens qui spontanément décident qu’ils vont faire partie du plan.  Pour finir, je citerai l’épisode 4 qui a été particulièrement dur à tourner, car l’on changeait plusieurs fois de décor, avec des montées et descentes de voiture, des coups de fil et deux scènes dans des ascenseurs minuscules où l’on se déplaçait en rampant pour être hors champ, bref la joie des tournages ! » 😀

 

Comme les dialogues ne sont pas pré-écrits à combien de prise les acteurs avaient le droit ? 

Karim Alliane : « Tout dépend de l’épisode et du dispositif en place, par exemple le premier épisode a été tourné assez rapidement, on faisait face sans soucis aux différentes contraintes de déplacements. Nous l’avons tourné trois fois, il me semble. Pour des épisodes plus statiques comme le 3 ou le 5, qui se déroulent principalement dans un lieu unique, nous avons fait jusqu’à 6 prises ». 

 

L’histoire de DERNIER ACTE

Ce qui est assez fascinant, c’est que même si Max n’est pas un personnage très appréciable, et pourtant, on rentre complètement dans l’histoire dès l’épisode 1 ? 

Karim Alliane : « C’est l’un des aspects qui nous a longtemps posé question avec Régis Kermorvant, qui interprète Max et a co-écrit avec moi la première trame de l’histoire. Max avait un fort potentiel pour être détesté, irritant, malhonnête… Ce qui l’a sauvé, c’est malgré tout son humanité. Max n’est pas juste un combinard, un menteur, il est aussi sincère et totalement dépassé par une jeunesse et un monde qu’il ne comprend pas, on le voit très bien avec sa mauvaise utilisation des réseaux sociaux par exemple. Ce sont des thèmes qui me tenaient à cœur et que j’avais envie d’aborder dans cette série. Mais c’est en répétant et en tournant que le personnage a fini de prendre forme grâce à la prouesse artistique de Régis qui rebondit en impro avec une facilité déconcertante, trouvant toujours le mot juste au bon moment ». 

 

Quelle est la morale de l’histoire ? Max a tout perdu ? 

Karim Alliane : « La fameuse morale… Pour moi, il n’y en pas. On assiste juste à la chute d’un personnage qui est tellement habitué à prendre les mauvaises décisions dans sa vie, qu’il ne s’en rend même plus compte. Je trouve cela toujours fascinant, car c’est bien le propre des humains de répéter pendant longtemps les mêmes erreurs avant d’arriver parfois à évoluer et à les corriger pour s’offrir une vie apaisée.  C’est exactement ce qui se produit pour Max, il chute plusieurs fois et court après une chimère, un amour passé mais, au passage, il va y gagner une nouvelle relation avec sa fille et corriger la trajectoire de Mouss, son jeune dealer, fan d’impro ». 

 

Je m’attendais à une fin plus intense entre Nadège et Anna ? N’y a-t-il pas des non-dits que le téléspectateur ignore sur cette relation entre ces deux soeurs ? 

Karim Alliane : « Ça aussi c’était important pour moi : ne pas tout dévoiler. Les personnages sont montrés lors d’une soirée, à un instant T. Ils viennent avec leur bagage, leurs soucis et leur passé. Beaucoup de choses ont été construites en répétition et ne sont jamais montrées. Je m’explique : le plus “petit” personnage, qui est la copine de Lola dans l’épisode 6, a une scène de 3 minutes avec Anna. Pour construire ce passage, cela a demandé 3 séances de répétitions en amont pour élaborer le background de ce personnage. Ce que j’essaye de dire, c’est que oui, forcément, tout n’est pas expliqué et tout ne le sera pas. Maintenant, il est vrai que si une suite est envisagée, je reviendrai sur certains événements et lèverai le voile sur certaines zones d’ombres et les rapports entre les 3 femmes de Max ».

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© Mothers in Trouble

Avis

Une suite de Dernier Acte vaudrait le coup car il y a des choses à creuser. Les 6 épisodes de cette série passent vraiment bien. Le téléspectateur a envie de savoir ce qui va se passer à cette soirée et comment Max va réagir lorsqu’il reverra Nadège. Même si la fin laisse perplexe, cette série développe des sujets intéressants. Le côté improvisation ne se voit quasi pas et on a cette impression de fluidité des dialogues. L’ensemble des acteurs sont dans l’ensemble plutôt bons et investis par leur rôle. Une série qui a du potentiel à suivre.

Dernier Acte est disponible sur Amazon Prime Video

Lubiie

Experte dans le domaine des séries, blogueuse passionnée depuis 2006, professionnelle de l'audiovisuel, reporter de festival, jury de festival et intervieweuse aux multiples questions en séries. Tout mon monde tourne autour de l'actualité des séries.

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