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Lucie Borleteau, réalisatrice de la série Cannabis

Cannabis est une co-production Arte franco-espagnole qui promet une immersion totale dans le trafic de drogue de la fabrication du produit à sa vente. Pour réaliser cette série, la jeune réalisatrice Lucie Borleteau, dont c’est la première expérience dans l’univers de la télévision plutôt habituée au cinéma. Mais quand les productrices Toni Marshall et Valérie Zerdoun offre une telle opportunité ça ne se refuse pas ! Suite à l’avant-première de Cannabis au Festival Séries Mania, interview de Lucie Borleteau expliquant les raisons de son choix de partir dans ce projet hallucinant.

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Interview d’une réalisatrice

favicon14Cannabis, c’est votre première expérience télévisuelle ? Comment êtes-vous arrivé sur le projet ?

Lucie Borleteau : « J’étais approché par les productrices de la série de Tabo Tabo, Toni Marshall et Valérie Zardoun. ça m’est tombé dessus au moment où je venais de sortir mon premier long-métrage et je sortais de promo. Donc, au lieu de faire une dépression et de décider d’écrire le deuxième, je me suis dit et si je pouvais tenter cette nouvelle aventure peut-être que je vais apprendre des trucs. Avant qu’on se rencontre, elles m’avaient envoyé les quatre premiers épisodes et à vrai dire à partir du moment où j’ai lu, j’étais partie dans une forme d’obsession. Si je pouvais faire ça, c’est tellement une chance. J’avais vraiment très envie de le faire. Je trouvais que c’était comme un cadeau, je trouvais les personnages sublimes. Je trouvais ça hyper excitant de me confronter à des scènes de genre, d’action, de violence que moi j’aurais mis énormément de temps à faire émerger dans mon propre cinéma. J’ai trouvé ça très agréable et avec des personnages très baroques qu’on n’ose pas écrire dans le cinéma d’auteur où on se pose beaucoup de questions éthiques. Il y avait un espèce de truc de se dire, c’est no limit, on peut se faire plaisir. Par rapport à des différences fortes avec le cinéma, moi, j’ai tout fait pour créer la manière dont j’ai toujours fabriqué des films qui en même temps change tout le temps car je n’aime pas trop les règles. Mais du coup ça ne m’a pas paru si différent du cinéma. Parce qu’en même temps le cinéma, d’abord, je n’ai pas fait beaucoup de choses et j’ai pas fait des films avec de très gros budgets. Ils passaient mon temps en me disant ‘tu verras il y a pas beaucoup d’argent’ moi j’ai trouvé qu’il y avait beaucoup d’argent. Mais vu que le projet est très ambitieux. On était aussi contraint par ce manque d’argent. Mais, le manque d’argent, le manque de moyens, je trouve que ça en donne plus d’idées. Ça permet de trouver des idées plus inventives que quand on a tous qu’on veut. Moi, je trouve ça super ».

favicon14Travailler sur une série de 6 épisodes, cela vous a permis d’explorer différents plans ?

Lucie Borleteau : « Oui, je trouve ça très riche aussi dans mon travail de réalisatrice en se disant qu’on change de tons régulièrement. J’ai testé des techniques que je n’avais jamais essayé. On essayait de ne pas être systématique. Je n’ai pas la télévision donc je vois assez peu de séries mais j’en ai vu quand même notamment quand je suis en casting car souvent il y a des acteurs un peu moins connu. C’est intéressant, c’est un bon défrichage que font la télé. C’est sans mépris. Par exemple, la série d’Arte sur les jeunes prêtres Ainsi Soient-ils offrait de nouveaux visages. Nous, on a essayé de s’amuser, de savoir de quel point de vue était la scène, du point de vue de quel personnage,  dans quelle ambiance ont été, de jouer un petit peu avec les codes du genre ».

favicon14La contrainte de temps, un vrai challenge pour vous ?

Lucie Borleteau : « Un vrai challenge et en même temps, j’ai trouvé ça plutôt chouette. Avant de faire mon premier long-métrage, j’ai fait des courts métrages qui se sont tournés en très peu de temps. J’ai l’impression qu’il y a un mot qui est revenu à toutes les étapes car tous les étapes vont trop vite. Le casting, ça va trop vite. Il doit y avoir une cinquantaine de rôles en comptant les petits rôles, on a trois mois pour les trouver, c’est du délire et sur trois territoires c’est de la folie. Après le tournage, ça va très vite. Donc, il y a un mot qui revenait tout le temps, c’est frustration et en même temps, j’aime bien dire que le plaisir né de la frustration. Je pense que c’est vrai de même que la contrainte, ça donne de la créativité. Cette frustration, c’est aussi ne pas être tout le temps pétri de doute et de se dire aller hop, on y va. J’ai découvert que moi et l’équipe ont été capable de tourner une scène en 20 voire 15 minutes parce que c’est la fin de la journée, il faut la faire et on la gardait pour la fin de la journée et parfois, c’est des bonnes scènes car tout d’un coup tout le monde est très concentré, les acteurs sont au taquet. Des fois, c’est moins bien mais on a le montage qui nous sauve et c’est super ».

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favicon14Une de vos exigences dans ce projet, participer au casting des comédiens : comment s’est déroulé le casting de Cannabis ?

Lucie Borleteau : « Personne de très connu. Il y a très peu d’acteur de télévision. Moi, il y avait deux acteurs avec qui je voulais travailler dans l’absolu qui sont Kate Moran et Christophe Paou, qui sont des acteurs de théâtre avant tout et qui sont des acteurs de cinéma, du cinéma d’auteur. Mais ce ne sont pas des stars. Peut-être qu’un jour je ferai un film avec ce que l’on appelle vraiment des stars. Il y en a pas beaucoup en fait, des gens que l’on reconnaît toute de suite. Des fois, ça brouille quand on veut rentrer dans une histoire, ça brouille l’identification au personnage, ça brouille le réalisme du projet. Quand on a un tel foisonnement de personnages, je trouve que c’est un peu injuste d’en avoir deux-trois car c’est eux qui sont plus important que les autres. Il y a une espèce d’unité dans le casting que je trouve assez belle. Le casting est très composite, c’est-à-dire il y avait des gens qui avaient énormément d’expérience et d’autres pour qui c’est la première expérience et pas que les jeunes. Par exemple, celle qui joue la mère qui est Zohra Kateb, elle est chanteuse. Elle a fait du stand-up mais c’est sa première expérience d’écran et ça marche. Cette sorte de naissance sur le plateau, je trouve ça assez beau. Il y avait toute cette partie espagnole et je ne parle pas espagnol. J’ai fait beaucoup de progrès avec des mois en formation intensive et je ne vous parle même pas des scènes en arabe. C’est assez fascinant car quand on dirige une scène dans une langue que l’on ne comprend pas du tout, bizarrement, on voit mieux si ça joue bien ou pas. On s’attache pas aux mots et on se dit il est dedans ou il n’est pas dedans. C’est limpide ».

favicon14 Vous êtes-vous documenté sur le trafic de drogue ?

Lucie Borleteau : « Le travail avait déjà été remarquablement fait par les auteurs, par les scénaristes, la série est pleine de détails concrets et écrits. Après quand on arrive au moment où on doit fabriqué, effectivement, on se dit c’est quoi qu’on vend ?  A quoi ça ressemble une barrette de shit ? ça pèse combien ? Combien on la vend ? C’est des questions toutes bêtes. C’est des choses que l’on fait pendant la préparation, avec là en l’occurrence, l’équipe déco, l’accessoiriste. Ce sont des gens qui ont pas mal bossé en télé et notamment sur des séries policières. Ils avaient beaucoup de contact chez les flics. Et à côté de ça, on avait un contact extraordinaire pour bosser dans la cité où on a tourné à Aubervilliers; On avait des contacts du côté dealer mais pour ça, je ne vais pas dire que j’ai fait un travail en profondeur. C’est vraiment important d’aller parler à ses gars une après-midi et de leur demander comment ils font, vous le rangez où le truc ah mais vous le mettez encore dans la chaussette bon bah ok. De ne pas être ridicule par rapport à ce qui se passe actuellement et souvent, c’est marrant parce que ça se recoupe entre les informations des flics et des dealers. Quand on a tourné au Maroc, on a fait le travail avec la chef déco espagnol de voir comment on fabrique car vraiment on le voit au début du deuxième épisode. On voit la petite fabrique. Comment on fait pour passer de la plante, la résine à la petite savonnette emballée et tamponnée qui arrive jusqu’à nous. Un moment, il faut bien se dire qu’est-ce qu’on filme ? On fait des recherches, on trouve des vidéos sur Internet mais aussi on rencontre des gens qui viennent du RIF qui nous disent c’est comme ci, comme ça. On se dit c’est marrant, je peux vous faire écouter la musique quand on écoute quand on fait ça. Tous ces détails, c’est fort. J’ai fais le même boulot pour madame la Maire, quand on a fait des repérages en mairie pour trouver la mairie où on allait tourner. Est-ce qu’on peut aller dans le bureau du maire ? Son écharpe, elle est comme ci, il la met comme ça. J’aime beaucoup rentrer dans le détail. On a fait du repérage dans les bordels de Marbella pour faire exister notre décor du Princess ».

Le Princess qui est le nom de code de la série pendant le tournage parce que avec un nom comme Cannabis, les autorisations de tournage sont moins faciles à décrocher.

favicon14Quel rapport aviez-vous avec Toni Marshall, productrice de la série et réalisatrice de métier ?

Lucie Borleteau : « C’est un peu comme une grande soeur. Je pense que le fait qu’elle soit aussi réalisatrice, ce n’est pas la même productrice que si elle n’avait jamais touchée à la réalisation ».

Cannabis, la série

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Lors du festival Séries Mania, non seulement j’ai pu rencontrer Lucie Borleteau mais j’ai également vu les deux premiers épisodes de la série Cannabis.

Le projet de suivre le trafic de drogue de l’intérieur à travers trois pays le Maroc, l’Espagne et la France est louable mais le tout est mal emballé. La connexion avec les personnages ne se fait pas pendant le pilote et toujours pas après l’épisode 2. En voyant les deux épisodes, je ne savais à qui me fier et aucun personnage n’avait une histoire poignante me donnant envie à tout prix de le suivre dans ses aventures. Beaucoup de parlotte et des acteurs peut-être trop novices dans leur jeu ce qui nuit à la qualité de la série. Après, je suis pour donner leur chance à de nouveaux talents mais là le travail n’est pas assez convaincant. De plus, le scénario manque de rythme et les minutes défilent lentement. Après deux épisodes, je n’ai pas trouvé le fil conducteur. On voit les secrets du trafic, c’est intéressant mais on n’a plus l’impression d’être dans un documentaire sur le business du cannabis de la cité. C’est dommage, le sujet est bon mais pas assez centré sur une réelle problématique. Toute cette histoire est entourée de trop de fumée…

Lubiie

Plus de 10 ans d'expertise dans le domaine des séries, blogueuse passionnée, professionnelle de l'audiovisuel, reporter de festival, jury de festival, intervieweuse aux multiples questions en séries ou chroniqueuse radio. Tout mon monde tourne autour de l'actualité des séries.

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