L’épidémie de LT-21 ne fera pas un seul mort. Mais est-on tout à fait vivant quand on a tout oublié ? Sauver l’humanité de l’oubli, c’est le programme que vous propose la série LT-21 écrite et réalisée par Mélissa Godet pour OCS. Dans ce monde, les patients infectés développent une amnésie biographique totale. Asia, infectiologue et Gabriel, chercheur en virologie, en couple depuis 15 ans, sont retenus dans un hôpital devenu centre de quarantaine, sous contrôle de l’armée. Ils continuent les recherches, s’occupent des patients. Mais lorsque Gabriel tombe malade après avoir pris tous les risques pour sauver un enfant infecté, Asia est exfiltrée de force sur une île, base de l’opération Hérédis. Là, on la contraint à poursuivre les recherches dans un laboratoire secret. Sur le continent, Gabriel a déjà tout oublié de leur amour.
Pour comprendre ce virus et son impact, j’ai eu la chance d’échanger par téléphone avec Mélisa Godet, créatrice, autrice et réalisatrice de LT-21 et avec une personne impacté par le virus en la personne d’Arnaud Valois, comédien interprète de Gabriel.
Imaginer le LT-21
La genèse de LT-21
Mélisa Godet : « C‘est parti d’un appel à projet de la SACD et OCS signature.Il y avait plusieurs conditions à remplir pour répondre à cet appel à projet, qui étaient de faire une série de genre en format 26/30 minutes, et sur le thème de l’amnésie. J’avais commencé à travailler sur un sujet qui était très différent et dont je n’étais pas très contente, parce qu’un appel à projet, c’est un concours. Il faut quand même être un peu satisfait de ce qu’on envoie. Et puis, on commençait à ce moment-là à parler pas mal de la région de Wuhan en Chine et de cette épidémie de pneumonie qui commençait à être un peu effrayante là-bas. Mais dont on se disait jamais de la vie, ça arrive chez-nous. L‘histoire dira le contraire, mais une nuit, j’ai un peu tout mélangé dans ma tête. Ça a fait un cocktail bizarre, et est arrivé cette idée de virus qui rendrait amnésique, et en réveillant, je me suis dit ce n’est pas bête ! J‘ai complètement remanié le projet sur lequel j’étais parti. J’ai tout réécrit pour présenter cette histoire de virus qui ne fera pas un seul mort, mais en revanche, qui remet la mémoire biographique des personnes qui l’attrapent, à zéro. Après, évidemment, le Covid, le confinement, tout ça est arrivé, en cours d’écriture. Pour répondre à l’appel à projet, c‘est un document très court de cinq pages. Mon projet a été retenu et ensuite, pour nourrir l’écriture tout ce qu’on a traversé m’a permis d’approfondir toutes les questions que je voulais explorer dans cette série. »
Atout de la créatrice réalisatrice du LT-21
Mélisa Godet : « Moi, ça me paraît essentiel dans le contexte de séries OCS signature. C’est vrai que tout doit aller assez vite. C’est le cahier des charges. Ce ne sont pas des séries où il y a énormément de budget, mais c’est quand même un label, qui a le mérite de laisser une grande liberté. En revanche, le fait d’être auteur et réalisatrice de la série, ça permet de gagner beaucoup de temps, c’est-à-dire que quand des questions se posent en fonction des décors ou de la réalité du terrain sur un tournage, ou de la réalité de la journée de tournage, qui avance et qui, clairement, va dépasser, s’il faut remanier, modifier et écrire une séquence, ou si on se rend compte d’une incohérence, pour moi, c’est très facile de rebondir tout de suite. J’ai une connaissance parfaite de l’histoire. C‘est un avantage d’écrire seule et de réaliser seule. Il y a d’autres avantages à écrire en groupe, notamment sur des formats plus longs, parce que c’est quand même beaucoup de travail. Mais là, pour le coup, en termes d’efficacité c’était pratique. »
Vivre l’expérience de la série
Mélisa Godet : « Moi, je recommence demain, surtout avec l’équipe formidable que j’ai pu avoir. Réaliser une série ou un long-métrage, c’est beaucoup d’énergie pour le réalisateur, mais moi, j’ai vraiment pu m’appuyer sur une équipe qui s’est donnée à 100 %, qui a eu une implication formidable et puis tout ça, dans une bonne humeur appréciable. C‘était chouette et passionnant, étant à la base plutôt scénariste, de pouvoir voir, ce moment, où l’incarnation se fait, où la vision qu’on a pu avoir en écrivant se matérialise et la distance qu’il faut prendre avec le texte aussi, parce qu’il y a ce qu’on imagine, et la réalité de plein de choses : des comédiens, des décors, de la faisabilité, et c’est vraiment passionnant, cet exercice-là. »
Attrait LT-21
Arnaud Valois : « Ce qui m’a vraiment intéressé au départ, c’était ce twist science-fiction, mais avec une patte d’auteur. On sentait déjà dès le scénario que c’était vraiment tourné sur les personnages, sur ce qu’ils ressentaient à l’intérieur d’eux avec des codes des films de genre, avec des codes de films d’anticipation et on ne m’avait pas encore proposé quelque chose comme ça et je trouvais ça super intéressant. Et l’autre chose aussi, c’était qu’on partait d’un personnage avec un cerveau qui fonctionnait, un expert, infectiologue, bardé de diplômes, et qu’on le ramenait vraiment à quelque chose de très animal pour s’en sortir, et cette trajectoire de personnage, je trouvais ça aussi passionnant à explorer. Au départ, le personnage de Gabriel est sûr de lui, d’une certaine façon, de ses connaissances. Il est vraiment l’empereur dans son domaine à lui, et puis il va être amené à devoir utiliser son instinct de survie, aussi, avec les deux enfants, il utilise son côté protecteur. Il y a tellement de personnages dans le personnage de Gabriel que pour un acteur, c’est passionnant à jouer ».
Plus que de la science-fiction, une histoire d’amour !
Arnaud Valois : « Sous des allures de film de genre, je pense, que c’est vraiment un film sur une histoire d’amour complètement empêchée par cette maladie. […] Cette histoire d’amour, je la trouve complètement bouleversante. Je me mets à la place du personnage de Léonie (Simiga), Asia, et ça doit être tellement dur ! Je pense que si ça m’arrivait, je préférais vraiment être Gabriel qu’Asia, ne plus savoir, parce que de voir quelqu’un qui vous reconnaît plus alors que vous savez exactement qui il est, tous ses traits de personnalité. Ils ont des années de vie commune, peut-être pas loin de quinze ou vingt ans, quelque chose comme ça, parce qu’ils ont commencé leurs études ensemble. Ça doit être tellement difficile. Moi, c’était plus facile parce que je faisais comme si je ne la connais pas. Et puis, il y avait des très belles scènes à jouer, comme dans l’infirmerie où elle me panse les plaies et j’essaie de m’approcher d’elle. Quand elle vient dans mes quartiers, puis, je l’embrasse et finalement, je finis par la repousser. Il y avait des scènes très fortes qui étaient vraiment chouettes à jouer. Au début, c’est le côté un peu action qui me donnait envie parce que je n’avais pas encore fait ça et puis, j’ai pris énormément de plaisir à être dans ces scènes-là beaucoup plus intimistes avec juste Léonie et la réalisatrice bien sûr. Il y avait quelque chose de très humain et beau. Je dirai que c’est plus facile pour Gabriel de ne pas se souvenir que pour Asia qui se souvient de tout au niveau de l’histoire d’amour. »
Que doit-on retenir de la série LT-21 ?
Arnaud Valois : « J’aimerais qu’ils retiennent toute l’humanité qui se dégage de cette situation de fin du monde. J‘ai l’impression que tous les personnages essayent d’aller vers un meilleur d’eux, malgré tout ce qui se passe. Alors, ils ont peut-être pas toujours raison, ils ne font peut-être pas toujours les bonnes choses, mais en tout cas, je trouve qu’ils se connectent plus à l’humain qu’ils sont et qu’ils se débarrassent un peu des conventions, du prêt-à-penser ou du prêt-à-faire. J’aimerais bien peut-être que les spectateurs retiennent ça, s’ils ont envie. Ça serait super. »
Mélisa Godet : « Si ça ouvre des réflexions dans la tête des gens, moi, je serais déjà très heureuse. Il y a des questionnements, j’ai l’impression dans la série, qui sont un petit peu plus philosophiques. Il y a notamment des questions d’un groupe de résistants incarnés par le personnage de Joseph, qui, face à cette épidémie qui rend les gens amnésiques, se questionne sur le fait : est-ce qu’il serait pas mieux, vu l’état actuel du monde, de laisser cette épidémie, de remettre la mémoire collective, individuelle et d’essayer de faire mieux ? Je n’ai pas de réponse à cette question et la série n’en apporte pas non plus. Mais je trouve que c’est une question intéressante, on est beaucoup en ce moment en train de questionner les systèmes de domination, les rapports entre les minorités, la question écologique. Où sont les priorités ? Si on pouvait repartir à zéro, si on peut se laver de nos mauvaises habitudes, qu’est-ce qu’on prioriserait ? C’est plus ça, ce genre de questions que j’aimerais que la série puisse poser au final »
Une série qui vous fait réfléchir !
Arnaud Valois : « Elle est très ouverte sur beaucoup de choses. Elle n’enferme pas, elle ne dit pas, vous devez penser, comme tous les personnages sont assez contrastés, on voit beaucoup de choses en eux. C’est difficile de les enfermer véritablement dans lui, c‘est le gentil, elle, la méchante, etc. Je trouve que ce sont souvent les œuvres les plus intéressantes. »
LT-21 (8×26′) est à voir sur OCS !