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NO MAN’S LAND : interview Félix Moati et Xabi Molia

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Une série pitchée à Séries Mania, en plein conflit, NO MAN’S LAND plonge le téléspectateur  en plein  conflit syrien et aux côtés des combattantes kurdes, où un jeune Français est à la recherche de sa sœur présumée morte. Ce jeune héros, Antoine Habert, il est incarné à l’écran par Félix Moati et sa soeur, Anna Habert est jouée par Mélanie Thierry. No Man’s Land, c’est une superbe coproduction entre Arte et Hulu et qui implique de nombreuses nationalités. En effet, les créateurs de la série sont israéliens Amit Cohen et Ron Leshem et le réalisateur, Oded Ruskin, est russe. Parmi eux, on retrouve Xabi Molia, qui est à la fois scénariste pour la partie française des dialogues et conseiller artistique sur la série. C’est ce dernier accompagné de l’acteur Félix Moati que j’ai pu interviewé en table ronde lors du festival de la fiction pour discuter de cette incroyable série qui a déjà séduit 2 millions de curieux en ligne sur arte.tv. !

 

Félix Moati, héros de ce NO MAN’S LAND ?

No Man’s Land, c’est véritable voyage en terre inconnue pour le personnage d’Antoine Habert et pour vous aussi. Comment s’est déroulé le tournage ? Un tournage physique, on imagine ? Qu’est ce qui a été le plus éprouvant pour vous ?

Félix Moati : « C’est vrai que c’était très différent puisque j’étais lancé dans une aventure guerrière. Une aventure physique aussi, puisque il y a beaucoup de scènes d’action de course. Voilà ce qui a été compliqué. C’était les scènes de colère et de rage. Voilà où je sors en peu de moi-même. ça c’était plus compliqué. Mais grâce à Xabi Molia et à Oded Ruskin, le metteur en scène, ils m’ont accompagné beaucoup dans cette direction, donc ça allait. Et sinon, très concrètement, la chaleur. Tourner où Il faisait 48 degrés, 52 degrés. C’était au Maroc et donc ça, très concrètement pour l’équipe technique et pour nous les acteurs concernés, c’était le cas de le dire. C’était chaud ! Il y a eu des malaises parce qu’il faut s’hydrater constamment, même quand on n’a pas la sensation de la soif. Donc voilà, ça, c’est très concret. Les corps ont des limites. On a été éprouvés, 52 degrés avec des costumes militaires avec des bardas kalachnikov.Donc oui, on était vraiment en situation ».

 

En fait, votre personnage c’est un jeune parisien à la vie confortable qui se retrouve sur le terrain en pleine guerre au Moyen-Orient du jour au lendemain ?

Félix Moati : « Mon personnage d’Antoine Habert, c’est un jeune ingénieur qui avait une vie tout à fait confortable à Paris. Tout lui sourit. Si ce n’est qu’il a été marqué des années auparavant par la tragédie de la mort de sa sœur, mais qui se base sur la conviction d’une base intime. Une conviction intime comme ça et contre l’avis de tous. Part en Syrie. Téméraire et obsessionnel. Et va à la recherche de sa sœur. C’est dingue. Moi, ça m’a tellement touché ça ».

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Félix Moati © ARTE

 

Au départ, Antoine est le héros est celui qui nous embarque avec qui on est entrainé dans cette aventure à la recherche d’Anna en terrain hostile. Mais à partir de l’épisode 4 tout se brise et Antoine n’est plus ce héros parfait, il a un côté sombre. Comprenez-vous ce sentiment que peut éprouver un téléspectateur à l’égard du personnage ?

Félix Moati : « En fait, ce qui est intéressant, je trouve, c’est que c’est des personnages qui ont tous une dette et qui ont tous un linge sale, un truc qu’ils se rapprochent et essayent de réparer. La témérité et l’obsession d’Antoine naissent directement de cette culpabilité dont on ne connaît pas l’origine. Dès le début de la série, moi, j’aime bien cette idée d’un jeune homme qui fait tout pour que sa vie soit exemplaire. Sa copine est parfaite, son métier est parfait et en fait, ça se craquèle et ça se fissure. C’est quelque chose qui me plaît beaucoup. Mais même on sent que cette famille essaie de recoller les morceaux depuis la tragédie qui a touché leur fille et sa sœur, mais qu’en fait, ils n’arrivent plus à vivre et il va se retrouver des raisons de vivre.

Xabi Molia : « J’étais sur le projet avant Félix, donc j’ai vu Félix arriver sur le projet et j’avais un oeil sur le casting. Je n’étais pas du tout décisionnaire, mais je pouvais donner mon avis et je me souviens très bien que je ne vous dirai pas qui a été auditionné et qui n’a pas eu le rôle. Mais il y a eu pas mal de gens qui sont passés pour le rôle. Et quand j’ai entendu que Félix était pressenti, ça a été pour moi un énorme soulagement et vraiment une joie. Parce que je me suis dit c’est très exactement l’acteur qu’il faut pour porter ce rôle. Pourquoi ?

Parce que, pour moi, Antoine, c’est un personnage qui est assez superficiel, qui est un exemple d’européen, qui vit sans vivre, en fait, qui collectionne des trophées, mais qui n’a pas le sens de son existence. Et c’est vrai, c’est le récit d’un apprentissage, de l’apprentissage d’un homme qui va découvrir une cause plus grande que lui et une cause plus grande que les individus, en fait une cause collective et qui va trouver un sens comme ça. Alors, c’est pas sûr que ce soit son salut, mais il va voir des gens pour qui la vie a un sens profond. Et je trouvais que c’était super de prendre Félix parce que moi, je trouve toujours très intéressant la manière dont la filmographie d’un comédien vient enrichir un personnage donné à un personnage, une identité. Félix, je pense porter avec lui une certaine cinématographique. Moi, j’aime énormément, mais qui est inscrite dans la légèreté, la fraîcheur, etc. Donc, pour moi, il incarnait parfaitement ce jeune Parisien dont on peut se dire voilà, c’est un mec sympa, etc. Et tout d’un coup, qui va prendre dans la gueule le poids, l’histoire et les tourments de la géopolitique. Félix, il est comme ça. Il ne l’est pas du tout, léger comme ses personnages. Les rôles de Félix, c’est une certaine légèreté et à un moment donné, je pense que c’est génial. Quand un acteur porte avec lui une mémoire de cinéma. Félix Moati derrière kalachnikov c’est pas évident et il va falloir qu’on y croit. Moi, je me disais c’est un défi, mais c’est une promesse géniale. Du moment que j’ai commencé à écrire pour Félix. J’ai senti que la série, ça allait être bien écrire, ça allait être super ».

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Souheila Yacoub © ARTE

 

Dans la série, il y a une sorte de deuxième temps où les femmes prennent le pouvoir sur l’histoire. Comme s’il y avait une bascule dans le récit pour mettre la lumière sur l’engagement de ces femmes au combat. On le voit notamment avec le personnage de Sarya. No Man’s Land est une série féministe ?

Xabi Molia : « Je suis très content en tant que femme touche parce que c’est un vrai défi. Et c’est une vraie question passionnante qui s’est posée à tous les niveaux, mais aussi avec justement Souheila, Yacoub. Quand on a du faire le travail d’acteur autour de ça. C’est se dire comment est ce qu’on va dépeindre la puissance féminine. Malheureusement, il y a plein de tentatives maladroites. Je trouve que la série a réussi ça, parce qu’on s’en méfier. De se dire pas trop de folklore, pas des nanas qui dansent tout le temps, etc. Et puis, pas de plan d’affirmation maladroite du pouvoir des femmes qui en fait une manière de dire une femme puissante, c’est un homme comme les autres ».

C’est votre première vraie série en 52 minutes, qu’est-ce qui vous a donné envie de faire le pari de la série ?

Félix Moati : « Moi, j’ai trouvé le scénario complètement irrésistible. En fait, l’histoire, les obsessions des personnages, la déclinaison du thème de la culpabilité et de la dette. Et puis, comment il se saisit, comment les scénaristes et Xabi se sont saisis avec acuité de l’actualité de notre monde qui est une actualité encore brûlante.Moi, tout me plaisait. Il n’y avait pas une zone d’ombre quand je lisais les scénarios et donc moi une saison 2 avec plaisir. Mais en plus, ils peuvent s’amuser à faire plein de choses, je pense ».

 

Xabi Molia : un artiste dans NO MAN’S LAND

Xabi Molia est un talent à multi-casquette aussi bien scénariste que réalisateur qu’acteur. Pour la série No Man’s Land, il a été mobilisé sur plusieurs fronts à la fois scénaristique mais aussi au niveau de la direction d’acteurs et aussi au titre de conseiller artistique.

Tout d’abord, Xabi Molia est arrivé sur le projet « à un moment où le pilote était écrit synopsis des sept épisodes suivants ». Un scénario qui a attiré le scénariste mais pas forcément pour la partie française comme il dit : « Moi, ce qui m’a beaucoup plu, c’est la partie pour laquelle je n’ai pas été engagé. C’est à dire vraiment la plongée de trois jeunes djihadistes dans l’Etat islamique. Je trouvais ça très fort, très dérangeant« .

En fait, Xabi Molia était un peu le représentant français sur le tournage, il explique : « Au départ, je me suis engagé pour essayer de donner une forme d’exactitude aux personnages français, à leur caractérisation, à leur contexte et à leur manière de parler. Parce que très vite, on se dit un personnage qui parle français, ce n’est pas un personnage dont on va traduire les dialogues de l’anglais au français. Ça, ça fait des personnages qui parlent en VF, c’est pas ça, parer Français ». Il rectifie alors, certains clichés que les créateurs de No Man’s Land, Amit Cohen et Ron Leshem, ont sur la France, il dit : « Au départ, je suis engagée pour ça sachant que c’est écrit par des Israéliens qui vivent à Los Angeles. Et on se rend compte que vu de l’extérieur, la France charrie énormément de fantasmes. Donc, au début, Félix était hyper content parce que les présentations du pilote, il faisait l’amour à peu près six fois dans le premier épisode. Parce que voilà, les Français, c’est sensuel ». Ce pilote n’existe pas et peut-être que c’est mieux ainsi car le pilote original est très bien avec un scène de sexe.

Le scénariste français découvre alors une autre manière de travailler surprenante aux côtés des israéliens Amit Cohen et Roh Leshem, Xabi Molia détaille :  » Ils ont une manière de travailler qui est très étonnante parce qu’il y a des pans entiers du scénario qui ne sont pas écrits. Par exemple, ils vous disent. Episode 4, là, on découvre le secret de famille qui fait que le frère et la sœur ne se parlent plus depuis des années. Alors moi, jamais je les appelle et je leur dis c’est quoi ? On a aucune idée. C’est une manière de travailler fonctionnelle, une série d’éléments qui mettent des blocs ». Mais, c’est surtout une méthode enrichissante de travail, il dit : « ça a été génial parce qu’on a travaillé comme ça avec plein d’hypothèses. Et puis, on a fini par raconter l’histoire Navid histoire de la vie de ce militant iranien qui est livré aux autorités de son pays« .

Côté réalisation, Xabi Molia a travaillé avec le réalisateur russe, Oded Ruskin, et il détaille son rôle : « En fait, j’ai fait la direction d’acteurs en français pour principalement français. Avec Oded, ça a vachement bien fonctionné parce qu’au départ, il avait une énorme machine à construire. Il y avait des scènes de guerre, il y avait des figurants, il y avait la barrière de la langue pour lui aussi avec les techniciens, donc on fait tout d’un coup. On a inventé ce tandem ». Ce qui est certain, c’est que Xabi Molia est un talent à suivre avec de nombreuses casquettes pour accompagner des projets internationaux et s’assurer que quand la langue française ou des acteurs français sont impliqués, tout soit au plus juste. On pourrait l’écouter des heures parler de son travail sur No Man’s Land.

Avez-vous pu intervenir plus directement dans la narration ? Proposer vos idées à Amit Cohen et Ron Leshem ?

Xabi Molia : « On propose évidemment à Amit et Ron et c’est eux qui choississent. On explique aussi. On défend un point de vue. On fait des notes. Après, eux quand ils écrivent la série, ils sont très pressés et je pense que c’est une des raisons pour lesquelles mon avis la série est réussie. On n’a pas eu le temps de leur faire écrire mille fois les choses. Ils ont foncé, ils ont eu le pouvoir, ils ont eu le pouvoir d’écrire la série qu’ils voulaient. Et nous, on était là pour un peu en retrait, pour faire des propositions ».

 

No Man’s Land à voir sur Arte, la chaîne ou sur Arte.TV

Lubiie

Experte dans le domaine des séries, blogueuse passionnée depuis 2006, professionnelle de l'audiovisuel, reporter de festival, jury de festival et intervieweuse aux multiples questions en séries. Tout mon monde tourne autour de l'actualité des séries.

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