Le saviez-vous, le Québec réalise de très belles séries ? Mais, peu d’entre elles parviennent jusqu’à chez nous du moins sur nos écrans. Heureusement, des festivals comme Séries Mania les font découvrir au public comme Série Noire ou Unité 9. Néanmoins, leur arrivée sur notre télévision est très discrète. Par exemple, en interviewant Karine Vanasse, l’actrice m’a donné envie de voir sa série Blue Moon mais la verrai-je un jour ? Alors, on peut compter sur la chaîne TV5Monde qui met à l’honneur les productions francophones pour nous faire découvrir quelques séries québécoises comme la splendide 19.2.
Non, le terme « splendide » n’est pas exagéré car dès le premier épisode, cette plongée dans l’univers des patrouilleurs de Montréal est saisissante. Les patrouilleurs, ce sont l’équivalent de notre police de proximité en France. Ils interviennent aussi bien pour des cas de disputes entre riverains que comme un accident de la route. Un métier où ils en voient de toutes les couleurs de l’histoire qui fait sourire aux drames les plus affreux. 19.2 offre une incursion dans le quotidien de ces hommes. Série très bien documentée, un des acteurs et auteurs Réal Bossé a effectué de nombreuses patrouilles avec ces policiers afin d’écrire au plus juste leur réalité. Le tout accompagné d’une réalisation soignée et intrusive dans ce milieu.
En plus, de l’immersion dans un quotidien rude, les auteurs proposent une histoire poignante réunissant deux agents aux antipodes qui apprendront par la force et par l’amitié à devenir « partners » car on dit le mot « partenaire » en anglais en québecois. Nick Berrof (Réal Bossé) est un patrouilleur de retour au service après 3 mois d’arrêt suite un incident ayant mis à mal son partenaire de longue date Jean-Pierre Harvey. Quant à Benoît Chartier, il quitte sa campagne après 15 ans de bons et loyaux service pour rejoindre la ville au sein du 19.2. Un duo touchant avec des histoires personnelles émotionnellement bouleversantes. Nick aurait pu sauver la vie de Harvey s’il avait appelé le renfort à temps. C’est alors, un homme rempli de culpabilité que le téléspectateur découvre.
La saison 1 est captivante du début jusqu’à la fin car même si Berrof et Chartier sont deux personnages fascinants, ils ne sont pas les seuls. Puis, il y a ce premier épisode de la saison 2 époustouflant ! Une attaque du type Columbine dans une école de Montréal, nos patrouilleurs sous tension tout comme le téléspectateur qui retient son souffle à chaque instant. Le réalisme de cet épisode prend aux tripes. La réalisation participe largement à ce sentiment d’angoisse avec un plan-séquence de 13 minutes et tellement saisissant. La série a recourt à des instants de pause où une musique prend la place des paroles mais dans cet épisode, le réalisateur a enlevé volontairement la musique. Ainsi, dans ces scènes où on a l’impression qu’il y a un problème de son, des moments intenses et puissants s’appuyant uniquement sur l’expression faciale des acteurs. Des scènes splendides et bien plus parlantes que des mots. Cet épisode est à ne pas louper. Réal Bossé (auteur et acteur) et André Béraud (directeur de la fiction et des longs métrages à la télévision de Radio-Canada) vous parle de cet épisode si particulier si mémorable :
Réal Bossé : « On a eu des événements à nous comme l’école Polytechnique puis Dawson. On n’a pas revisité ces événements-là, on en a fait un à nous. Ce qui permettait de montrer ce que c’était de rentrer dans un espace que personne ne connaît, on ne sait pas où on va. C’est aussi la raison pour le plan-séquence. Le but c’est de faire que le téléspectateur soit avec le téléspectateur : avec eux dans leur voiture, avec eux dans leur métier. Le plan-séquence permettait de monter dans l’intensité comme ça arrive chez eux. Quand ils travaillent c’est comme ça que ça se passe. Beaucoup de figurants sont de vrais policiers et quand on a fait le visionnage pour l’équipe. Tous ces policiers-là pleuraient leurs vies, ils étaient encore sous le choc. Beaucoup sont venus nous serrer la main pour nous dire merci à quel point ils étaient contents qu’on change d’état cet événement-là parce qu’on en parle ».
André Béraud : « Puis, nous en tant que chaîne lorsque les producteurs nous ont dit, on débute la deuxième saison avec cet événement-là. On est une chaîne publique, gratuite et on le diffusait à 21h. Pour nous, on a accepté tout de suite de le faire puisque la proposition initiale c’était de faire 52 minutes sans pause mais pour des problèmes techniques, on n’a pas pu faire aussi longtemps. On trouvait que la série 19.2 s’y prêtait car soit c’est une série de flic mais faites autrement. On trouvait que c’était important d’aborder ce sujet-là pour démystifier jusqu’à un certain point cet événement-là. Souvent lorsqu’on est chez nous à la maison, on regarde la télévision, on se pose souvent la question : pourquoi ils n’ont pas intervenu plus tôt ? Pourquoi ils ont pas arrêté plus tôt ? Pourquoi ils n’ont pas eu l’entrainement ? Cet épisode-là démontrait très bien que malgré l’entraînement, on perd des repères, ça résonne de partout, c’est déroutant. Il y a aussi des innocents qui sont là qui ne faut pas non plus choper. Donc, la situation jusuq’à un certain point, ils font de leur mieux. C’était important à cause de l’angle et aussi, on connaissait l’équipe qui avait fait les 10 premiers épisodes donc ça était tout de suite un oui ».
Pendant le plan-séquence, silence radio sur les réseaux sociaux et seulement pendant les pubs que les gens se sont exprimés bouleversés sur le sujet. Après l’épisode, le débat a été intense sur les réseaux sociaux.
Secrets de tournage
Réal Bossé : « Pour vous dire franchement je déteste la police. J’ai appris que ce n’est pas nécessairement la police que je déteste mais le fait d’en avoir besoin. C’est le fait que l’on ne soit pas capable de se policer tout seul. On force des gens à faire ce métier-là. C’est ça qui est tragique ».
Au départ la série devait être une comédie de 30 minutes mais comme le sujet était trop important, le genre a changé.
La série est au plus proche de la réalité, seuls les codes de police changent.
Pour savoir quel policier vous êtes, trois états : Fige – Fuir – Foncer
Pour l’épisode 1 de la saison 2, tous les néons de l’école ont été changés pour une question de colorisation.
Le tournage d’un épisode est de 10h environ.
André Béraud : « C’est un concentré dans 30 épisodes de plein d’anedoctes. Ce ne sont pas tous les policiers qui vivent tout ça mais ce sont plusieurs policiers qui ont raconté leur vie, leur quotidien, leurs hauts et bas. Après les auteurs ont choisi de tricoter ça dans la psychologie des personnages ».