Lors du 10ème salon des séries et du doublage, Guillaume Orsat (comédien, directeur artistique doublage et comédien doubleur) était intervenant à la conférence sur le doublage des séries policières.
Guillaume Orsat prête sa voix à Nathan Fillon de Castle et il est également directeur artistique doublage et en particulier sur l’excellente série Breaking Bad.
Il a accepté de répondre à mes questions sur ce métier méconnu de directeur artistique doublage.
Biographie détaillée ici
- Lubiie : Quel est le rôle précisément d’un directeur artistique dans le cadre d’une adaptation de série ? Pouvez-vous le décrire ?
Guillaume Orsat : Le directeur artistique supervise quasiment toutes les étapes de l’élaboration d’un doublage. Dans « directeur artistique », il y a « artistique »; donc, il n’intervient guère dans la partie technique – détection avant l’adaptation par l’auteur dialoguiste, et montage et mixage après les enregistrements. Dans l’adaptation, le directeur artistique intervient dans les choix fait autour du langage, afin que soient respectés au mieux l’état d’esprit de la série, le niveau de langage, le degré d’humour … Il procède ensuite dès que nécessaire, et avant les enregistrements, à des vérifications avec les auteurs, séances durant lesquelles l’auteur lit son texte synchrone avec l’image, et où des corrections sont apportées, au niveau du synchronisme, des mots employés, du naturel des dialogues …
- Vous m’avez dit que la première chose que vous demandez à vos adaptateurs, c’est de respecter le niveau de langage des personnages. Est-ce que cela est possible avec toutes les chaînes TV ? On imagine qu’Arte est plus permissive sur Breaking Bad que TF1 sur Les Experts.
G.O : En effet, j’aime, dans mes directions, créer des contrastes qui sonnent « vrais », en faisant parler chaque personnage en fonction de sa provenance sociale, de son degré d’éducation, de son appartenance professionnelle. Il est évident que Jesse dans Breaking Bad ne peut en aucun s’exprimer comme l’héroïne du tvfilm Remember Sunday des Studios Disney que je viens de terminer ! Il a été décidé en réunion de production, au commencement de Breaking Bad, que nous respecterions au mieux le caractère « trash » du langage de la série: ne pas édulcorer; ne pas en rajouter non plus. Et nous avons tenté de restituer aussi le « slang », l’argot propre aux trafiquants de drogue, dealers, agents des stups, grâce à des dictionnaires spécialisés. Arte, comme TF1, comme toutes les autres chaînes, est tenue de respecter les directives du CNC: pas de jugement qualitatif positif sur la consommation d’alcool, de cigarettes, de drogues, pas de citation de marques (à moins d’en nommer au moins 3) … Les choses évoluent dans ce domaine: si citer une marque est nécessaire à l’intrigue, on peut prendre quelques libertés. J’ai eu le cas sur une marque de voiture dans Grimm, ou sur Hello Kitty dans Breaking Bad. La règle absolue étant: ne pas en rajouter par rapport à l’original.
- Quelles ont été les difficultés que vous avez rencontré pour l’adaptation de Breaking Bad ?
G.O : Je crois avoir en partie répondu via la question précédente. Nous avons essayé de rendre au mieux le niveau de langage de chacun, et les recherches nécessaires ont été faites, tant au niveau de l’aspect technique sur la chimie, que du « slang » propre à certains personnages, notamment Jesse, Badger ou Skinny Pete. Nous avons respecter les « Yo! » de Jesse; en revanche, il a fallu adapter les fameux « Bitch! », intraduisibles. Certains crieront à la trahison; mais une bonne adaptation, qu’est-ce d’autres que la plus belle des trahisons ?
- Avez-vous travaillé sur d’autres séries et lesquelles ? Appréciez-vous travailler pour des séries (plus que pour des films) ?
G.O : Oui, je travaille actuellement sur la saison 3 de Grimm et sur la saison 2 de Arrow. Et un grand projet pour 2014, dont je ne peux encore parler. Quant au fait de plus ou moins apprécier de travailler sur des séries que sur des films, je dois dire que cela dépend des films et des séries … J’aime le côté ponctuel qu’offrent les films et tvfilms, l’investissement très fort et prenant dans un temps donné plutôt court; et j’aime les rendez-vous dans la durée qu’offrent les séries, le sentiment de retrouver des personnages et des situations familières à chaque nouvelle session d’enregistrement.
- Sur quelles séries de la rentrée 2013/2014 aimeriez-vous travailler ?
G.O : Je ne sais pas, je ne connais pas bien les sorties de cette rentrée. Je pense que le casting d’un directeur de plateau sur telle série est aussi important que le casting comédiens ou le casting dialoguistes. Donc, je me dis que si telle série a été confiée à tel directeur artistique, c’est pour de bonnes raisons. Personnellement, je pense avoir été bien « casté » sur Breaking Bad, Grimm ou Arrow; c’est tout ce qui m’importe. Si je ne me sentais pas à ma place sur tel ou tel produit, je m’en retirerais, arguments à l’appui; c’est ce qui m’est arrivé il y a quelques années sur une certaine série, dont je tairai le nom par respect pour le directeur artistique qui a réalisé ensuite une très belle VF. En tant que spectateur, j’apprécie fort Game of Thrones, OZ, Deadwood, The Walking Dead … et, bien sûr, mes chouchous pour lesquelles je suis un peu de parti pris: Six Feet Under et Breaking Bad.
Remerciements à Guillaume Orsat pour cette interview.