À quel point le chômage peut détruire une vie ? C’est la problématique de Dérapages poussée à l’extrême afin de montrer une tragédie humaine. Dérapages, c’est l’histoire un cadre usé, Alain Delambre, par le chômage qui part en guerre contre le système qui l’a trahi… Cette série de 6×52′ est écrite par Pierre Lemaître d’après son roman Cadres Noirs et réalisée par Ziad Doueiri (réalisateur des saisons 1 et 2 de Baron noir). Au casting, Eric Cantona dans le rôle principal et il affronte un Alex Lutz redoutable dans le rôle d’un président d’une grosse entreprise. Dérapages est un thriller noir et social passionnant à découvrir sur Arte.
Pourquoi regarder Dérapages ?
- Un homme chômage : Quand on rencontre Alain Delambre, cela fait six ans qu’il est au chômage remercié par une PME après 40 ans de bons et loyaux services au poste de DRH (ironique, n’est-ce pas ?). Il fait partie des seniors que l’on licencie en premier non par manque de compétence mais question d’âge. Bientôt en fin de droits, Alain Delambre enchaîne les petits boulots pour une misère. Ce chômage fait de lui un homme en colère, invivable comme le dira son épouse Nicole (Suzanne Clément), un homme proche de la misère obligé de rafistoler ses lunettes lui-même avec du scotch et un homme qui ne voit pas le bout du tunnel…
- Un homme en colère : On le sait le chômage peut vite devenir un cercle vicieux. Alain devient aigri et surtout nourrit une colère contre la système. Sourire n’est pas dans ses compétence. C’est cette colère qui va le pousser à faire des folies comme aveuglé par un objectif : retrouver du travail dans ce qu’il sait faire et même si on essaie de l’entuber, Alain Delambre ne se laissera pas faire. Cette colère est puissante et fascinante à voir se déployer tout au long des épisodes.
- Un homme manipulateur : Animé par cette colère jusqu’où est prêt à aller Alain Delambre ? La série pousse le vice à l’extrême et c’est captivant de voir un peu comme à la Breaking Bad comment un homme s’autodétruit au fil des épisodes. L’image finale en dit long.
- Eric Cantona majestueux : C’est la première série d’Eric Cantona et il a apprécie pouvoir travailler son personnage en profondeur : « un format idéal pour faire exister cette densité » dit-il. L’acteur est excellent dans ce rôle. On a plaisir à le suivre dans cette aventure et on sent un acteur à l’aise dans son rôle comme s’il était en totale communion avec celui-ci. Alain Delambre est un personnage ambigu à la fois, on a un sympathie pour lui et en même temps, certains aspects de sa personnalité sont repoussants. Alain Delambre montre aussi un esprit machiavélique très inquiétant et qui lui coûtera cher. Quant à Eric Cantona, il parvient à jouer sur les deux aspects de la personnalité de ce protagoniste avec brio.
- Alex Lutz, adversaire redoutable : Après le succès de Catherine et Liliane, Alex Lutz est de plus en plus présent sur nos écrans et c’est pour notre plus grand plaisir. En plus, l’acteur est de plus en plus présent dans des séries ce qui est encore plus génial. Alex Lutz joue Alexandre Dorfmann est le PDG d’Exxya, une multinationale dédiée à l’aéronautique et à l’armement. Le personnage concentre la colère d’Alain Delambre en quelques sortes. Ce PDG qui représente le capitalisme prêt à écraser les hommes pour le règne de l’argent. Alex Lutz joue à merveille ce PDG d’entreprise sans scrupules. Bien loin de la comédie, Alex Lutz montre un vrai potentiel pour le drame déjà entrevu dans la série Baron Noir.
Dérapages : une tragédie humaine
Six épisodes de 52 minutes tous captivants ! La qualité de l’écriture ne faiblit pas un instant et le scénario est parfaitement mené. La réalisation de Ziad Doueiri est soignée et capture l’essence de la colère de cet homme. En plus, le chômage est un sujet pas évident car on peut tomber rapidement dans le mélodrame. Je n’ai pas lu le livre de Pierre Lemaître mais j’imagine que l’auteur est le mieux placé pour adapter son roman en série. En tout cas, la série que j’ai vu est brillante.
Même si je ne parviens pas à savoir si j’apprécie ou non Alain Delambre (ce qui est assez génial de se retrouver dans ce genre de situation) avec Dérapages, le téléspectateur passe par un tas d’émotions. Tout d’abord, vis-à-vis du jeu auquel Alain Delambre a accepté de jouer celui d’une fausse prise d’otages afin de distinguer quel cadre d’Exxya serait le plus à même de mener la campagne de licenciements sur le site de l’entreprise à Beauvais. Ce jeu de rôle est complétement insensé. Accepter de participer à ce jeu en dit long sur la morale d’une personne mais aussi bien les individus qui mettent en place le jeu de rôle que ceux qui acceptent de participer dans le but d’obtenir un emploi. En plus, Alain Delambre il va s’impliquer à fond et se préparer comme jamais. Ce jeu de rôle absurde est là pour montrer à quel point un homme désespéré est prêt pour sortir d’une situation oppressante. Une situation poussée à l’extrême mais à laquelle il fallait penser. Puis, il y a ce moment où Alain Delambre se rend compte qu’il n’est qu’un faire valoir pour ses recruteurs et là, j’étais mal à l’aise par rapport à mon héros. Jouer avec le chômage et la misère des gens, c’est dérangeant. Mais quand le téléspectateur se sent gêné, a de la compassion pour Alain Delambre, alors, sa colère monte d’un cran.
Ce qui est fascinant dans cette série, c’est vraiment cette colère qui rend aveugle Alain Delambre prêt à tout pour mener son combat quitte à détruire sa vie et sa famille. À la fin, c’est à se demander si cette colère n’a pas détruit l’homme qui l’a porté en soi. Les rares moments où l’on peut imaginer une fin heureuse, Alain Delambre montre une autre part sombre de son être. C’est un homme intelligent et surtout manipulateur. La pire des trahison est selon moi ce qu’il a fait à sa fille Lucie. Elle qui a défendu son père avec brio lors d’une plaidoirie remarquable sur ce pacte social rompu entre son père et la société. Dérapages est une véritable tragédie humaine saisissante à voir et qui pousse à la réflexion.
Dérapages disponible sur Arte, la chaîne et le site Internet Arte.tv