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Engrenages : « Quand la fiction colle à la réalité »

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En novembre dernier, des membres de l'équipe de la série Engrenages étaient invités à l'exposition "100 ans de la police judiciaire" pour une conférence sur le thème "Engrenages : quand la fiction colle à la réalité". Cet entretien avec Caroline Proust (actrice tenant le rôle de Laure Berthaux), Anne Landois (scénatiste) et Jean-Pierre Colombi (conseiller technique) était animé par Marc Fernandez (Alibi Mag).

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Quel est le rôle d'un consultant dans la série et plus particulièrement, celui du consultant police ?

Anne Landois commence en expliquant que l'écriture a beaucoup évoulué d'une saison à l'autre. Elle rappelle qu'elle a intégré la série à partir de la saison 3 : "D'une saison à l'autre, il y a une transformation totale de l'écriture et des équipes de travail. C'est à partir de la saison 2 qu'Engrenages a commencé à travailler avec un conseiller police. D'ailleurs, le conseillier est devenu mon co-auteur à partir de la saison 3. Le mariage auteur et policier de terrain était un mariage utile et qui nous permettait d'avoir un accès aux scène les plus fortes et aux circosntances les plus fortes. Donc, à partir de la saison 3, le travail avec un consultant très proche a été très bénéfique. Par la suite, on s'est attaché à étoffer cette équipe de consultants. Pas uniquement du côté des policiers, car on a des consultants au moment de l'écriture et au moment du tournage. On a élargi l'équipe avec des consultants avocats ou magistrats et d'autres policiers qui interviennent en fonction des thèmes de la saison. Par exemple, sur la saison 5, on a fait appel à des commandants de la BRB (Brigade de Répression du Banditisme) car la thématique nous a permis de travailler avec ces personnes-là."
 

Engrenages est une série qui plaît aux flics de par son réalisme ?

Anne Landois explique le travail de son équipe entre la fiction et respect de la procédure : "La proximité avec nos consultants nous permet à nous à sublimer la matière dramatique. Nous, on sait ce que l'on veut faire vivre à nos personnages et on s'appuie enormément sur la procédure. On n'adapte pas la procédure à la fiction. Nous, ce qui nous intéresse c'est la matière policière, nos héros évouluent vraiment là-dedans. On fait un énorme travail avec les consultants car aucun des scénaristes de l'équipe n'a de DEA de droit. Donc, on est toujours obligé d'apprendre et d'essayer de comprendre et pas uniquement d'un point de vue policier, aussi du point de vue des avocats et du point de vue des magistrats. On doit essayer de coller au plus près de la réalité. Alors, ça nous amuse d'intégrer les changements dans la procédure dans nos histoires. Par exemple, on a utlisé en 2009 la suppression du juge d'instruction comme un ressort dramatique. Dans la saison 4, c'est l'arrivée de l'avocat en garde à vue. On l'a joué comme les flics l'ont vécu, à partir de maintenant, le prévenu qui arrive, il y a son avocat derrière. On recueille le ressenti des policiers, leurs hésitations. On a nos personnages à nous mais tout ce que l'on raconte s'est passé à la moulinette de nos consultants."
 

Comment devient-on Laure Berthaux ?

Caroline Proust :  "Je suis devenue flic dans le film "le cousin" d'Alain Corneau. Après, on m'a proposé plein de rôle de flics et j'ai dit non je suis comédienne. Et puis, Canal Plus est arrivée avec cette proposition. Suite à ma rencontre avec Thierry Godard et Fred Biancioni, le trio fonctionnait bien et on a tourné un pilote. Ce pilote n'est pas montrable et brouillon car absolument décousu comme scénario. Je me suis préparé avec des vrais policiers pour le rôle."


Comment vous préparez-vous à rentrer dans la peau d'un policier ?

Caroline Proust : "Je parle en permanence avec des flics. Maintenant, ça fait des années donc j'ai l'impression de faire partie de la boîte. A chaque fois qu'on tourne, on leur pose des questions. D'ailleurs,  avant le tournage, on va faire du tir et on apprend les nouvelles manières de tenir une arme. Par exemple, j'ai appris qu'à partir du 1er décembre, il faut mettre les matricules sur les brassards."
 

Jean-Pierre Colombi (ancien commandant de la BRB) : Quel est votre rôle dans la série ?

Jean-Pierre Colombi est conseiller police pour la série Engrenages depuis la saison 3. Dans la saison 4, il garde son poste de conseiller mais passe devant la caméra dans le rôle de silhouette. Puis, dans la saison 5, toujours conseiller police, JP Colombi devient acteur ! La découverte d'un métier et 45 jours de tournage intensif. L'ancien flic détaille le rôle de conseilleier police : "Notre rôle, c'est de s'assurer que ça colle à la réalité, c'est la marque de fabrique de la série. On est là pour répondre aux questions autant des réalisateurs que des acteurs. Pour savoir au vue d'une situation, comment se comporterait un vrai flic. Autant dans les prises de décision que dans les dialogues."
 

Un retour d'expérience ?

J-P Colombi : "Super expérience pour moi. Je suis à la retraite depuis 4 ans et j'ai presque enchaîné avec Engrenages. Moi, ce qui me plaît là-dedans c'est qu'on amène quelque chose. On apporte autant pour les acteurs que les réalisateurs et nous (policiers) ça nous fait plaisir. Tout est pris en compte alors tout n'est pas réalisable. Par exemple, si on fait une vraie filature comme les flics ça ne passe pas à l'image."

Caroline Proust donne un exemple suite aux propos de Jean-Pierre Colombi : "Dans une scène, on a laissé un gyrophare allumé dans une filoche alors que c'est complétement stupide ! Mais, c'était plus télégénique pour le téléspectateur. Alors, bon."

Anne Landois renchérit : "Trouver un équilibre entre la matière dramatique, le romanesque et le réalisme. Si on doit faire un choix sur une scène, c'est toujours le romanesque que l'on prévilégie. Dans la dramaturgie, on voit que c'est le romanesque qui paie et pas le procédural. On s'en sert comme de la matière dramatique mais c'est toujours nos personnages qui ont le dernier mot. Je sais que la saison 4 a beaucoup fait parlé d'elle parce que voilà, on a un peu accusé entre guillements d'avoir voulu refaire l'affaire de Tarnac, ce qui est faux d'ailleurs. Il y a un point de départ qui pourrait être assez commun à l'affaire de Tarnac. On a beaucoup été attaqué sur le réalisme. Mais, un moment il faut faire la différence entre ce que nous, on raconte à travers nos héros."
 

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Quelques informations sur la saison 5 d'Engrenages ?

Anne Landois lâche quelques infos sur la saison à venir dont le tournage a débuté le 2 décembre : "On a réuni tous nos héros autour d'un meutre central. Tout le monde va travailler sur la même affaire à des moments différents à des niveaux différents. On sera dans le milieu des "indics" avec les "tontons", le grand banditisme et également la violence des filles. Engrenages était une série très masculine, j'ai beaucoup travaillé avec des hommes flics et ça s'en ressent et j'ai eu la chance d'avoir une femme avocate avec moi. et puis, on a deux héroïnes extraordinaires et elles n'ont pas encore livré toutes les cartes de leurs personnages. On a voulu une saison plus féminine."

La saison 5 marque un tournant dans l'écriture de la série ?

Anne Landois rappelle que le temps d'attente entre la saison 4 et 5 est le plus court que la série est connue ! Elle explique les raisons : "Depuis le début de la saison 5, on a complétement bouleversé l'écriture. On a une date de diffusion donc on a pas tellement le choix, il faut que ce soit prêt pour septembre 2014 et la diffusion de la saison 4 a eu lieu en septembre 2012. Donc, deux ans se sont écoulés entre deux saisons par rapport à 2,5 à 3,5 ans entre les saisons précédentes. On commence à gagner du temps entre les saisons. L'idéal, ça serait de pouvoir sortir une saison par an ce qui est très compliqué à faire, c'est peut-être possible car là on a gagné 6 mois sur l'écriture ce qui est déjà énorme et il y a certainement des progrès à faire. On essaie d'aller le plus vite possible mais c'est une série qui est tellement exigeante à écrire. Et puis, tout le monde lit : on fait lire les magistrats, les avocats et les flics donc, on attend le retour de chacun et ça prend du temps.
 

Le sentiment de Caroline Proust sur l'attente entre les saisons ?

Caroline Proust : "C'est long entre les saisons car l'écriture demande un énorme travail donc pour la qualité il faut du temps. 12 films c'est du boulot ! Et nous, ça nous permet de travailler avec des outils prêts. On ne va pas jou la même chose si on sait ce qui va se passer. Anticiper c'est important d'avoir l'histoire dans sa globalité. Moi, ça me dérangerait pas si on enchaînait un peu plus vite les tournages."

 

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Comment se passe l'écriture d'une série comme Engrenages ?

Suite à une question dans la salle, la scénariste Anne Landois détaille point par point son processus d'écriture : "En fait, on a changé notre mode d'écriture d'une saison à l'autre. Au départ, moi je travaillais en partenariat avec un commissaire divisionnaire et on écrivait sous la houlette d'un directeur littéraire qui est un salarié de la société de production Sons et Lumières. Sous la houlette de ce personnage, le policier et moi on ecrivait toutes les histoires, on appelle ça les "traitements" c'est-à-dire des synopsis de 15 pages et après, on fait faire des séquenciers et dialogues à d'autres scénaristes. C''était un boulot colossal car il fallait penser à tout épisode par épisode.
Dans la saison 5, changement de procédé, j'ai travaillé avec un scénariste comme moi pas un flic pour le coup, on a bâti une arche avec l'aide de nos consultants. Donc, on allait les voir en disant on a envie qu'il se passe ça. A chaque fois, on passait la même histoire sur le regard de tous nos consultants. Une fois qu'on a bâti cette arche, c'est un document qui fait une cinquantaine de pages très détaillé, on a fait un découpage épisode par épisode de deux-trois pages, et il y a d'autres scénaristes qui arrivent, à qui on a fait faire des synospis plus détaillés. J'ai la charge de faire travailler ces auteurs, de les recruter (nouveauté pour moi), pour leur faire des synopsis, puis des séquenciers, puis des versions dialoguées puis que je reprend le tout. En fait, je suis au début de la chaîne et à la fin. C'est presque un système à l'américaine sauf qu'on n'a pas réussi à faire 12 épisodes en 8 mois.Pour plusieurs raisons, différences de culture : nous on a une télé très jeune. Pour que les méthodes d'écriture changent, il faut que les séries durent. En France, on est encore dans une politique, on sort 6 épisodes, on regarde si ça marche et puis, il faut faire encore 6 épisode et il y a plus personne pour les écrire. La personne qui les a écrit comme elle nesavait pas s'il y aurait une autre saison de 6 épisodes alors elle est partie faire autre chose ailleurs. On recommence tout à zéro et donc diperdition de talent et d'énergie à cause de notre méthode de travail. Et grâce à une série comme Engrenages, il y a des gens qui peuvent travailler sur la longueur."


Eternel débat : écriture à l'américaine versus écriture à la française.

Anne Landois répond : "Il y a une attractivité pour la série télé qui est sans commune mesure avec ce que la télévision a vécu jusqu’aujourd’hui. C’est une réminiscence du roman populaire. On est tout le temps comparé aux auteurs américains. Il y a beaucoup de gens qui disent du mal des auteurs français, c’est vrai, il y a de mauvais auteurs français, mais il y aussi de très mauvais auteurs américains et aussi de très bons. Nous, on a aussi la chance de voir le haut du panier en France et en Europe mais ce qu’on voit, ce qui existe aujourd’hui, les meilleures séries, c’est 20% de la production américaine donc c’est très peu, c’est pas mal. Il y a énormément de séries américaines qui sont extrêmement mauvaises. C’est pour ça qu’il faut relativiser aussi.

 

Lubiie

Plus de 10 ans d'expertise dans le domaine des séries, blogueuse passionnée, professionnelle de l'audiovisuel, reporter de festival, jury de festival, intervieweuse aux multiples questions en séries ou chroniqueuse radio. Tout mon monde tourne autour de l'actualité des séries.

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