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Comment créer un Ennemi Public en série ?

Lors du Festival Séries Mania Saison 7, plutôt intéressée par les deux premiers épisodes vus sur grand écran, j’ai demandé une interview de l’équipe d’Ennemi Public. On m’avait dit qu’il serait deux à me recevoir et je me suis retrouvé face à une équipe entière de neuf personnes pour mon plus grand plaisir. J’ai surtout eu en face de moi des personnes passionnées par leur série et fières de faire bouger la partie francophone de la Belgique en matière de série.

Les membres de l’équipe en présence : Christopher Yates (auteur/créateur), Vincent Londez (acteur qui joue le rôle de Vincent Stassart), Antoine Bours (auteur /créateur), Frederic Castadot (auteur), Gilles de Voghel (auteur/créateur), Stéphanie Blanchoud (actrice dans le rôle de Chloé Muller), Jean-Jacques Rausin (acteur Michael Charlier) Matthieu Frances (auteur/créateur/réalisateur) et Clément Manuel (acteur qui joue Lucas Stassart).

Une équipe encore plus importante lors de la projection de la série au Festival Séries Mania

Interview de l’équipe !

Pour rappel, Ennemi Public s’est faite remarquée par les professionnels au MIP Drama Screenings en remportant le prix coup de coeur du jury. Une première récompense qui a accéléré le processus de promotion de la série et de post-production également. La découverte publique s’est faite à Séries Mania.

LubiieEnnemi Public, c’est un peu pour vous une série de laboratoire ?

Matthieu Frances : « Oui et non avec Christopher et Antoine, on avait déjà développé deux projets de séries un peu à blanc pour se faire la main parce qu’on voulait s’essayer à ça car on est très fan de séries. Ce sont des projets qui n’ont pas abouti car c’était encore la vieille RTBF, qui n’avait pas encore envie de ruer dans les brancards comme elle a fait par la suite. Quand il y a eu l’appel à projet, on s’est dit qu’on allait regretter toute notre vie, si on ne présentait pas quelque chose. On a fait ce qu’on faisait chaque année, on s’est envoyé des pitchs. Cinq pitch chacun et le premier s’appelait Ennemi Public et on n’est pas allé plus loin. On va développer celui-là, c’est sûr. C’est celui-là que l’on doit raconter ».

Pour info, la RTBF est vue en Belgique comme « la télé de papa » comme disent les auteurs d’Ennemi Public.

LubiiePour vous, Guy Béranger est un meurtrier mais pas un pédophile. Or, dès le premier épisode, on voit le personnage comme un pédophile. Pourquoi cette ambiguïté sur le personnage ?

Antoine Bours : « L’ambiguïté vient du fait divers de base car comme on nous a associé et on savait qu’on allait nous associer à l’affaire Dutroux puisqu’on est parti de là. Tout le monde tend à voir un pédophile. Alors que dès le premier épisode dans la séquence post-générique qui est le JT, on parle d’un tueur mystique, d’un assassin mystique ».

Matthieu Frances : « Je pense que c’est quelque chose dont on ne pourra jamais se dépêtrer et qui n’a rien à voir avec le fait divers. Dans la réalité, dans le vrai monde, les tueurs d’enfants il y a toujours une connotation sexuelle. C’est extrêmement rare que ce ne soit pas le cas voire complétement inédit. Nous, on est parti dans autre chose car on s’est fait une règle d’or de ne jamais tomber là dedans parce que le sujet n’est pas traitable en Belgique et ne nous intéressait pas ».

Christopher Yates : « Puis, surtout en terme de fiction, c’est trop dur à traiter. En soit un tueur pédophile, c’est un sujet immense et on ne peut pas le traiter à la va-vite. Et même si on le traitait de manière superficielle avec un personnage central, c’est trop lourd en terme de fiction ».

LubiieStéphanie, comment avez-vous abordé le rôle de Chloé Muller ?

Après avoir suivie des duos de flics belges dont un mixte, l’actrice avait les éléments nécessaires pour construire son personnage.

Stéphanie Blanchoud : « Je suis allée dans quelque chose d’assez réservé car moi, je ne voulais pas aller dans quelque chose de trop cliché. Puis, c’est dangereux car c’est assez excitant de savoir que l’on va jouer un rôle comme ça et en même temps, il y a des références très fortes, très réussies. Je ne voulais pas une Wonder Woman mais la construire avec des couches. Qu’elle soit plutôt introvertie et qu’on est cette ambivalence entre sa vie et son travail ».

LubiieContrairement à un Michael Charlier, un policier plus sensible ?

Jean-Jacques Rausin : « Mon personnage a été construit face à celui de Chloé Muller et c’est un peu comme ça que je l’ai construit. Je l’observais. Voilà, on n’est pas du tout les mêmes et c’est ça qui fait aussi l’intérêt du binôme. Puis, aussi par le fait que je suis déjà du village que mes enfants le sont aussi. Dans le village, je suis un policier de police locale donc fatalement, les choses sont vite installées. Je suis plus sensible aux choses qui se passent autour de moi ».

LubiieComment avez-vous abordé la partie monastère ? Un lieu qui reste mystique pour le public ?

Antoine Bours : « On voulait savoir ce que c’est d’être moine en 2016. Il y a un abbé qui nous a accueilli et une des premières choses qui nous a dit c’est vous savez quand on entre dans un monastère pour devenir moine, on y vient avec son passif, sa vie, sa sexualité. Rien qu’il utilise déjà le terme sexualité était très surprenant. Ce qui est la clef et la règle de Saint-Benoît, ce qui est écrit à l’entrée des abbayes, c’est cette phrase que Béranger dit dans le premier épisode : ‘Tout le monde sera accueilli comme le Christ‘. Un moment se pose la question du regard que l’extérieur pose sur eux. C’est inévitable. Ils ont beau avoir une mission chrétienne, et c’est ce que nous avons voulu montrer dans la série, simplement accepter cette mission chrétienne là qui est d’accueillir un tueur en série va en annuler plein d’autres ».

Lubiie Comment ça se passe pour l’écriture à cinq ?

Matthieu Frances : « Chacun des auteurs a écrit deux scénarios et on a notre méthode de travail en atelier. On travaille jusqu’au dernier moment tous ensemble avant qu’il y est une personne qui se détache le plus possible de l’atelier qui écrit en satellite et revient dans l’atelier. Après chacun des auteurs a des accointances avec une personnage en particulier ».

Ennemi Public sur TF1 !

Analyse des deux premiers épisodes d’Ennemi Public

Les premières images vues au Mip Drama Screenings m’avaient intrigué et voir les deux premiers épisodes sur grand écran ont confirmé le potentiel de la série tout en révélant quelques petites faiblesses. L’histoire de départ est bonne et même si nous, téléspectateur, on accuse à tort Guy Béranger de pédophilie, cette histoire de meurtrier faisant repentance dans un monastère est assez captivante pour donner envie d’en savoir plus.

Hormis l’enquête de police sur de nouveaux faits, Ennemi Public parvient à nous concerner moralement. Est-ce que les religieux doivent pardonner à tout prix ? Peut-on imposer à une communauté, un village, d’avoir un meurtrier dans les parages ? Et ces questions d’ordre moral sont toujours en filigrane et chaque partie entendu après libre au téléspectateur d’écouter les différentes voix qui s’élèvent. Même le personnage de Chloe Muller se pose des questions. Elle n’est pas une simple flic faisant son métier, son passé et sa vie personnelle est impliquée dans cette affaire. Un personnage tourmenté mais nécessaire pour aborder cette histoire mystique.

Cependant, d’une bonne idée de départ, des faiblesses de rythme et de tenue du scénario sur la duréed’un épisode sont à déplorer. En effet, l’intrigue est intéressante mais le manque de dynamisme de l’action nuit à celle-ci et parfois, l’attention décroche. La réalisation y également pour quelque chose où on a une impression d’amateurisme ce qui donne un côté plus cheap à la série.

Quoiqu’il en soit, Ennemi Public a le mérite de proposer une histoire intéressante mise en scène avec quelques défauts certes, mais une tentative osée et nécessaire pour la Belgique francophone qui entame un beau tournant en terme de séries. Cette équipe d’auteurs / réalisateurs enthousiastes ne peut que s’améliorer et suit une bonne voie dans celle de l’innovation sérielle.

Degré de Lubie

Ennemi Public
42%

Lubiie

Plus de 10 ans d'expertise dans le domaine des séries, blogueuse passionnée, professionnelle de l'audiovisuel, reporter de festival, jury de festival, intervieweuse aux multiples questions en séries ou chroniqueuse radio. Tout mon monde tourne autour de l'actualité des séries.

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