Après avoir signé la mini-série Wolf Hall sur Thomas Cromwell primée aux Gloden Globes et BAFTA, Peter Kominsky revient dans le présent et traite l’histoire actuelle avec The State. Cette mini-série de 4 épisodes de 48 minutes s’intéresse à quatre jeunes britanniques qui décident de tout quitter pour rallier les camps de l’armée de l’état islamique. Entre aveuglement total et réveil brutal, The State offre une plongée ultra-documentée au coeur de l’organisation de daesch.
Grâce à Canal +, j’ai eu la chance de voir les quatre épisodes de The State. Afin de me garantir une immersion totale dans cet enfer qu’est l’état islamique, j’ai enchaîné les épisodes à la suite. Ainsi, je me suis sentie proche des personnages et j’ai vécu leurs désillusions au plus près. Jalal (Sam Otto) est un jeune britannique issue d’une famille immigrée élevée dans une famille musulmane pratiquant un islam modéré. Il part en Syrie pour suivre la réputation élogieuse de son frère martyr et persuade son meilleur ami Ziyaad (Ryan McKen) de l’accompagner dans cette aventure. Mère célibataire, Shakira (Ony Uhiara) embarque son fils Isaac dans son périple. Elle souhaite développer ses compétences de jeune médecin dans un hôpital de Raqqa. Enfin, il y a l’adolescente idéaliste, Ushna (Shavani Cameron) qui a été embrigadée par la doctrine sur Internet. Dans ce quator, il y a ceux que l’on comprend dans leur désillusion et ceux qu’on ne comprend pas dans leur aveuglement.
The State : le mal est dans le détail
Peter Kominsky est un auteur britannique connu pour être très précis lorsqu’il aborde un sujet. Il se documente beaucoup pour proposer des drames aussi proches de la réalité. The State n’échappe pas à la règle et c’est d’ailleurs pour cela qu‘on ne revient pas indemne du voyage qu’il nous propose avec ses quatre protagonistes. Vivre sous le régime de l’état islamique est un véritable enfer, en tout cas, The State dissuade de tout envie d’aller y faire un tour. Alors même si être un homme à l’air plus avantageux que d’être une femme, il ne faut pas avoir de moral pour survivre, Jahal en fera l’amère expérience. Mais alors, être une femme là-bas, c’est une horreur. On le voit dès le départ dans l’accueil du groupe des quatre britanniques. Les hommes et les femmes sont séparés et les femmes apprennent à se voiler en permanence plutôt style niqab et on leur apprend qu’elles ne peuvent rien faire sans un mari. Shakira, femme médecin, réalise les contraintes que cela implique pour exercer sa profession. Elle à qui, on avait promis qu’elle pourrait exercer sa profession en toute liberté. Elle comprend surtout qu’elle perd sa liberté.
Quand vous regardez The State, vous dites que les personnages manquent clairement d’informations. Ils ont tous l’air surpris, en particulier Jahal et Shakira, de découvrir la réalité. Ils comprennent qu’ils ont été trompé sur les promesses faites via écran d’ordinateur, la réalité du terrain est bien différente. Certains penseront que ce n’est pas possible d’être aussi ignorant, mais au contraire, on entend constamment aux infos des gens regrettés leur expérience en Syrie. Ils ne savaient pas, dit-on. Je trouve que Peter Kominsky a bien traduit cette ignorance totale qu’ont certains engagés. Ils imaginent une situation idyllique suivant une doctrine en laquelle, ils croient. Mais, entre l’interprétation des uns et les réalités des autres, le fossé est important. L’auteur dépeint tout aussi bien les individus aveuglés par la doctrine comme Ushana et Ziyaad qui adhèrent totalement à leur changement de vie.
Cette mini-série est extrêmement bien documentée et sans faire dans l’extravagance, en prenant le point de vue de jeunes britanniques lambda, The State raconte une histoire fictive qui pourrait bien être celle de la réalité. Il semblerait que Peter Kominsky s’est inspirée d’histoires vécues par des individus. Difficile de ne pas être touché par ce récit. C’est poignant et malheureusement, on ne parle pas d’un temps révolu mais bien actuel. La force de The State, c’est aussi de ne pas porter de jugement. The State montre une réalité, comme expliqué, certains persistent et signent, d’autres regrettent et tentent un retour en arrière.
A savoir au Royaume-Uni, The State a provoqué une polémique parce que par certains de ses détracteurs, la mini-série glorifierait l’état islamique. En plus, hasard malheureux du calendrier, le programme est diffusé sur Channel 4 à quelques jours des attentats de Barcelone et Cambris. La chaîne a reçu des messages de téléspectateur lui suppliant de ne pas diffuser la mini-série au vu des circonstances. Mais, la chaîne britannique est restée fidèle à sa programmation. Personnellement, je n’ai pas vu de « glamourisation » de l’état islamique au contraire, plus en vie de fuir.
Une scène bouleversante
La dernière scène avec Shakira dans le bureau de l’officier de police cellule anti-terroriste au Royaume-Uni m’a bouleversé. En dehors de lui proposer un marché où elle devient espionne pour le gouvernement au lieu de croupir en prison, cet officier fait une remarque qui peut s’apparenter à un reproche :
“You haven’t exactly been a good mother, have you?
Vous n’avez pas exactement été une bonne mère, n’est-ce pas ?
Shakira ne répond pas ses larmes et son visage de dégout d’elle est sa seule réponse. En ne faisant pas prononcer des mots à son personnage, Peter Komisky laisse aux téléspectateurs la réponse et à lui de juger. Shakira est une mauvaise mère parce qu’elle a emmené son fils de 9 ans sur le front en Syrie. Mais, elle était ignorante ? Mais, elle a eu la présence d’esprit de revenir et de la sauver d’une radicalisation. Peu importe, votre réponse, cette scène est suffisamment puissante pour troubler et faire réfléchir de longues heures après. Quant à Jahal, autre personnage touchant, on imagine un triste sort, le même que son frère visiblement. Son père qu’il l’avait retrouvé et confronté, a donc bien perdu ses deux fils mais pour quelle cause ? The State, une mini-série à voir qui prend aux tripes. Jusqu’au faut-il se sacrifier pour un état ?