Le come-back d’une actrice française, après un long exil à Los Angeles, s’avère plus compliqué que prévu. Judith Godrèche met en scène son double de fiction une série qu’elle a imaginée et réalisée elle-même : ICON OF FRENCH CINEMA.
Sous l’impulsion de la chaîne Arte qui commande sa série et portée par la célèbre société de production américaine A24 (une société indépendante américaine de production et distribution cinématographique et télévisuelle réputée pour avoir bouleversé Hollywood raflant de nombreux prix avec des productions très originales que l’on peut voir notamment sur HBO comme Euphoria ou Irma Vep), Judith Godrèche se lance dans la série ! Une véritable découverte pour l’actrice qui a dû apprendre les codes d’un milieu qu’elle maîtrise moins que le cinéma comme elle évoque dans la vidéo interview ci-dessous.
Puis, Icon of French Cinema est aussi la série de l’introspection pour Judith Godrèche comme elle explique en préambule de la conférence de presse sur la série : « J‘étais arrivée à un stade de ma carrière d’actrice où j’avais un sentiment, presque de ne pas savoir, ni ce que je voulais, ni ce que les réalisateurs voulaient de moi. J’avais perdu l’horizon de mes désirs et à travers ce départ, cet éloignement est presque une volonté de perdre un certain statut, j’avais d’une certaine façon, un statut depuis que j’étais enfant, parce que je suis devenue connue au niveau français mais très jeune, à quinze ans. Et c’est vrai qu’en devenant anonyme, je me suis redécouverte, et j’ai tout à coup, avec cette distance et avec aussi le fait d’être immergé dans une langue qui n’est pas ma langue maternelle. En devenant une forme d’étrangère, j‘ai eu un espace qui se crée et à travers cet espace, je me suis d’une certaine manière découverte. »
Interview vidéo mère-fille à la vie et à l’écran : Judith Godrèche et Tess Barthélemy
Après cet entretien passionnant avec Judith Godrèche et sa fille Tess Barthélémy, j’ai eu la chance d’échanger lors de la table ronde presse avec les messieurs de la série à savoir Laurent Stocker et Loïc Corbery de la Comédie Française. Tous les deux ont été séduits à leur manière par ce portrait de Judith Godrèche, cette Icon of French Cinema sur le retour !
Avez-vous été surpris de découvrir ce portrait de Judith Godrèche en découvrant sa série ?
Laurent Stocker : « Moi, je la connaissais, Judith, on avait travaillé avec Emmanuel Mouret, ensemble, mais ce qui m’a intéressé, dans la façon qu’elle a eue de me proposer le rôle et la façon dont l’écriture avait lieu, c’est qu’effectivement je savais que tu étais partie aux États-Unis. Mais j’ai trouvé formidable qu’elle puisse avoir un recul comme ça et qu’elle puisse écrire une série sur ce qu’elle avait vécu ici et sur ce qu’on peut vivre quand on ne part pas d’ici c’est-à-dire des choses comme des murs qui s’installent comme des choses qui sont très franco françaises aussi, et le fait d’avoir un petit peu enfoncé ces murs-là en faisant ce, ces scénarii-là, j’ai trouvé ça formidable. Pour parler du rôle que je fais, c’est quand même encore une sorte de mise en abîme du directeur de chaîne qu’on vient voir et qui a des idées préconçues sur quelqu’un et je trouvais que c’était bien de pouvoir mettre le doigt sur ce monde-là. »
Loïc Corbery : « C’est assez émouvant, d’accompagner Judith, et Tess aussi, dans ce récit qu’elle fait d’elle-même aujourd’hui, d’être invité à partager ça, parce que c’est assez puissant. Je me rends compte que c’était déjà le cas, au moment où, moi, j’ai entendu parler du projet ou tout d’un coup, on te dit Judith Godrèche voudrait te voir pour ça Je me rends compte de l’appétit aussi des spectateurs, mais même du métier de savoir ce qu’est devenu Judith Godrèche qui a une telle place dans le cinéma français à un moment donné, et forcément dans une culture populaire. On n’a pas beaucoup d’années de différence avec Judith, mais quand elle a commencé, très jeune, j’ai quand même grandi avec ses films, et 25 ans après, d’être invité à participer à ce chemin-là, cette réinvention, c’est assez émouvant. J‘apporte une petite pierre à cette réinvention. C‘était très surprenant de lire ça, surtout avec l’image qu’on peut avoir souvent fausse, souvent galvaudée. Encore une fois, on a tendance et le cinéma est en particulier, mais tous les arts en général, à fixer les gens dans des cases ou dans des registres particuliers. Quand on est acteur, on vit ça tous les jours. C’était très surprenant de lire le regard que Judith : portait sur elle-même. D’abord le regard qu’elle portait sur elle-même et ensuite de découvrir le langage qu’elle utilise pour ça, c’est-à-dire ce ton-là, de la comédie, cette légèreté. je me souviens parce qu’on a regardé, ça ensemble en préparant le tournage d’interview Judith à quinze ans, elle était d’une maturité folle, se prenant très au sérieux. C‘était très impressionnant. Il y avait la lecture du scénario et après, il y a eu le tournage, évidemment, le tournage, qui était encore plus surprenant c’est de la découvrir réalisatrice, directrice d’acteurs et de se rendre compte aussi des choix : décor, costume, mise en scène. Mais des choix complètement iconoclastes ! Et en même temps, sur le plateau, déjà, ça fonctionnait et ça nous emmenait ailleurs. Et puis, la véritable découverte, ça a été quand j’ai découvert la série, parce qu’évidemment quand j’étais là, uniquement, quand je tournais les scènes à moi et pour le coup, je suis dans un moment très particulier de l’histoire des scènes qui sont peut-être moins absurdes, moins légères, on va dire. Et quand j’ai découvert le reste, j’ai été enchanté de ce que je voyais. »
Laurent Stocker et Loïc Corbery ont eu des personnages pas évidents à jouer : le patron de chaînes fantasque aux idées préconçues et le réalisateur des années 80 qui dépasse les limites avec une jeune Judith Godrèche âgée de 15 ans. Comment on aborde ces rôles ?
Laurent Stocker : « Pour appréhender des êtres ou des choses qui sont aujourd’hui décriés et qui auraient dû l’être aussi à l’époque il faut absolument avoir une sincérité pour essayer de ne pas juger la personne, mais évidemment qu’elle est. Elle est tout à fait condamnable par ses attitudes. Il a des idées très préconçues sur elle. Judith n’avait pas du tout peur de surréalisme là. Je me disais évidemment que c’est pas réaliste, bien sûr, mais la dénonciation de certaines choses par le prisme aussi de la déformation. »
Loïc Corbery : « Il y a tous les fantômes de Judith, parce que ce personnage est un amalgame de tous ces créateurs, créatures qu’elle a pu croiser. Et puis, moi, j’en ai rencontré tellement, au théâtre aussi, et sur les plateaux cinéma. Il y a même un côté un peu exutoire, quand on est acteur, à se foutre joyeusement ou gravement de la gueule de metteur en scène ou de réalisateur de cinéma. Comme le dit Judith, tout ça sans les juger, parce qu’à côté de ça, ce sont aussi des gens qui sont des grands artistes. Leur art n’excuse pas. Ça a pu l’excuser à une époque, ça n’est plus le cas aujourd’hui, Dieu merci ! Mais là encore, il y a une ambivalence totale entre l’adhésion qu’on a pour la pratique de leur art et, en même temps, la gêne qu’on a par rapport à certains de leurs comportements. Et ce qui est bien aujourd’hui, c’est que les plus gênés aujourd’hui, c’est plus nous, c’est plutôt eux. Ils sont eux-mêmes gênés par leur propre comportement, je l’espère ! »
Pour la petite anecdote, la danse réalisée par Laurent Stocker, a été tournée en fin de journée et c’était une surprise de Judith Godrèche car ce n’était pas écrit dans le scénario. Donc, l’acteur a fait de l’improvisation totale et laisser libre cours à son imagination. Il s’est laissé porter par le choix de chansons très changeant de sa réalisatrice. D’ailleurs, Judith Godrèche, admirative de la performance de son comédien, s’exclame : « Et c’est entièrement sa chorégraphie. On pourrait faire un court-métrage juste de Laurent qui danse. » Ne manquer ce passage mémorable de la série !
Icon of French Cinema (6×30′) est disponible sur Arte !