Entre 1,2 et 1,5 million de personnes ont été exterminées à Auschwitz, pour la plupart des Juifs. Parmi les autres victimes figuraient des prisonniers polonais ou soviétiques, des Tziganes, des homosexuels, des handicapés et des prisonniers politiques. Le 27 janvier 1945, le camp d’Auschwitz-Birkenau est libéré par les soldats soviétiques. Parmi les prisonniers évacués quelques jours plus tôt dans les terribles marches de la mort, Lale Sokolov. Déporté en 1942, ce jeune slovaque a été l’un des tatoueurs du camp, obligé par les nazis de tatouer ses propres co-détenus pour survivre. Auschwitz fut en effet le seul camp où les déportés ont été tatoués. C’est en effectuant cette mission que Lale croise un jour le regard d’une femme qu’il est chargé de tatouer : Gita Furman, une juive slovaque de 17 ans. Dans cet enfer, leur amour les a sauvés.
LE TATOUEUR D’AUSCHWITZ est un livre publié par Heather Morris en 2017. Véritable best-seller, l’ouvrage s’est écoulé à 14 millions d’exemplaires dans le monde. Heather Morris y raconte l’histoire vraie de Lale Sokolov, survivant de la Shoah et tatoueur au camp de concentration d’Auschwitz. En décembre 2003, peu de temps après le décès de sa femme Gita, Lale partage son témoignage à Heather Morris, alors journaliste en reconversion. Pendant trois ans, ils se lient d’une profonde amitié l’un envers l’autre. À la mort de Lale, en octobre 2006, l’autrice lui a prononcé cette dernière phrase : “Je n’arrêterai jamais, jamais, d’essayer de raconter votre histoire. Je vous le promets”. Promesse tenue avec la publication du livre. Heather Morris avait imaginé une adaptation en film mais, finalement, elle a été approchée par la productrice Claire Mundell pour en faire une mini-série. C’est ainsi que Le Tatoueur d’Auschwitz a été adapté à l’écran avec Harvey Keitel dans le rôle du Lale âgé et Jonah Hauer-King dans la version plus jeune. L’actrice Melanie Lynskey (Yellowjackets) qui incarne le rôle de Heather Morris à qui se confie le Lale d’âge mûr. Quant à l’amour de sa vie, Gita, c’est la comédienne Anna Próchniak qui endosse le rôle et Jonas Nay (Deutschland 83) joue le bourreau Stefan Baretzki.
Lale arrive à Auschwitz-Birkenau en 1942. Peu après son arrivée, il devient l’un des tatoueurs chargés de tatouer les numéros d’identification sur les bras de ses compagnons de déportation. Un jour, alors qu’il lui tatoue son numéro de prisonnière sur le bras, il rencontre Gita. C’est un coup de foudre immédiat et réciproque, marquant le début d’une histoire courageuse, inoubliable et profondément humaine. Sous la surveillance constante d’un officier SS nazi, Baretzki, Lale et Gita deviennent déterminés à se sauver mutuellement.
Soixante ans plus tard, Lale rencontre Heather Morris, une jeune écrivaine en herbe. Récemment veuf, il trouve le courage de raconter son histoire au monde. En racontant son histoire à Heather, Lale, octogénaire, fait face aux fantômes traumatisants de sa jeunesse et revit ses souvenirs amoureux dans l’un des endroits les plus horribles qui soient.
Le Tatoueur d’Auschwitz est une mini-série qui ne vous laisse pas indifférent. C’est une plongée au coeur des camps de concentration, la période la plus sombre de l’humanité. Une fois avoir vu en avant-première les six épisodes de la mini-série, j’ai ressenti le besoin de lire le livre d’Heather Morris ainsi que de voir le documentaire L’histoire vraie du tatoueur d’Auschwitz écrit et réalisé par Nicolas Jallot avec Morgane Ciret. Je voulais être le plus complète sur le sujet, tant j’ai été émue par cette histoire vraie. De plus, je vous propose une étude comparative entre le livre et la fiction mais aussi des explications sur les choix de l’adaptation puisque j’ai eu la chance de poser trois questions à une des scénaristes de la mini-série.
Passer du roman à la fiction télévisée
La mini-série est réalisée par la réalisatrice Tali Shalom-Ezer et écrite par Jacquelin Perske, Evan Placey et Gabble Asher. La musique a été confié au célèbre Hans Zimmer accompagné de la compositrice Kara Talve. Ils sont les créatifs qui ont mis en images et en musique Le Tatoueur d’Auschwitz à l’écran.
Le distributeur de la série All3Media m’a permis de poser trois questions à une des scénaristes de la série Jaquelin Perske et qui est également co-productrice éxécutrice. Ses précieuses réponses permettent d’éclairer davantage sur le processus d’adaptation du livre à la fiction télé. Un exercice toujours aussi périlleux d’autant plus sur un sujet aussi délicat.
Quel a été le principal défi dans l’adaptation du roman en mini-série ?
Jaquelin Perske : « Le principal défi était de rester fidèle à la fois au livre et, dans la mesure du possible, aux contraintes de la production, à l’histoire. Il était important d’équilibrer ce qui s’est passé à Auschwitz avec l’histoire d’une romance et celle de l’histoire personnelle de Lale. »
Pouvez-vous me donner des exemples de scènes que vous avez changé du livre pour la mini-série ?
Jaquelin Perske : « Nous avons changé beaucoup de choses. Plus de la moitié de la série n’est probablement pas dans le livre. La relation entre Heather et Lali à Melbourne est basée sur l’épilogue du livre et sur la relation de Heather avec le véritable Lale. Elle a été davantage fictionnalisée après avoir rencontré Heather Morris, qui a accepté d’être un personnage dans la série. La plupart des éléments de l’histoire du livre figurent également dans la série. La perspective du livre n’est pas excessivement introspective, donc les scènes du livre n’ont pas été difficiles à adapter à l’écran. »
Pourquoi avez-vous choisi de faire parler Lali avec les fantômes de son passé que l’on voit chez lui lorsqu’il échange avec Heather Morris ?
Jaquelin Perske : « C’était un moyen visuel efficace de montrer que Lale était encore hanté par son passé, même à un âge avancé. Cela nous permettait de voir sa confusion et sa douleur pendant qu’il racontait son histoire à Heather, ainsi que son effondrement psychologique en revenant à son passé. »
LE TATOUEUR D’AUSCHWITZ : le livre vs la mini-série
Une fois avoir vu la mini-série et lu le livre, je vous propose une étude comparative afin que vous ayez une idée des principaux changements que j’ai pu identifier entre le livre et la mini-série. Il ne faut pas oublier que cette oeuvre a été réalisée avec l’accord d’Heather Morris et que la télévision nécessite aussi des changements afin de rendre une histoire plus télévisuelle.
LE LIVRE | LA MINI-SÉRIE | |
Structure narrative | Le livre suit une narration à la troisième personne avec Lale comme protagoniste principal. | L’histoire est racontée à travers un entretien entre Lale et Heather Morris et les flashbacks illustrent les souvenirs de Lale. |
Fantômes du passé | Parfois, Lale évoque des souvenirs de son passé avant les camps. | Lale est hanté par des hallucinations visuelles de fantômes du passé. Ils s’invitent chez lui et questionnent son passé et ses actes. |
Vie avant Auschwitz | Le livre n’explore pas la vie de Lale avant Auschwitz sauf à travers des souvenirs sporadiques. | La série commence avec Lale quittant sa famille en Slovaquie. |
Relation avec Stefan Baretzki | Baretzki appréciait Lale et lui demandait des conseils avec les femmes mais il n’est pas forcément son superviseur direct. | Baretzki est dépeint comme le superviseur personnel de Lale et entretient une relation particulièrement proche avec Lale. |
Le personnage de Léon | Léon a été choisi par un Kapo pour servir d’assistant à Lale car il n’a pas baissé les yeux sous les ordres des SS. Par la suite, il se fait couper les testicules par le Dr. Mengle. | Léon est gay et frappé par d’autres détenus. C’est alors que Lale décide de le prendre en assistant. Par la suite, il se fait couper les testicules par le Dr. Schumann. |
Le personnage de Victor | Victor et son fils Yuri sont des travailleurs du coin qui sont employés et payés pour la construction des camps et ses crématoires. Rapidement, un marché s’établit entre Lale et les ouvriers contre de la nourriture, Lale échange des pierres précieuses volées par les femmes détenues lorsqu’elles doivent vider les biens des prisonniers arrivés dans le camp. | Victor et Yuri n’existent pas. C’est Gita avec ses amies qui fournissent Lale en bijoux et pierres précieuses pour son troc et Lale se sert de son statut de tatoeur pour partager ses doubles rations avec ses camarades. |
Naissance d’un bébé dans un camp | Cette histoire n’est pas relatée dans le livre. Les femmes enceintes étaient souvent exécutées à leur arrivée au camp. | Une prisonnière donne naissance dans un block aidée par ses co-détenues dont Gita pour l’accouchement. La jeune femme était enceinte de 7 mois. |
Obtention de la pénicilline | Gita est tombée malade et Lale la sauve du typhus en se procurant de la pénicilline auprès de Victor. | Gita se coupe et contracte une maladie. Lale se rend à l’infirmerie et obtient de la pénicilline en soudoyant une infirmière du Dr. Schumann. |
La fuite de Gita | Gita doit abandonner sa copine Dana qui meurt lors des marches de la mort. Elle se retrouve avec quatre polonaises et elles prennent la fuite dans le village des polonaises. Gita retrouve ses frères. | Gita doit abandonner Ivana qui décède dans les marches de la mort et elle s’enfuit avec sa copine Hanna et se retrouve chez des villageois. L’ensemble de la famille de Gita est morte, ce qu’elle a appris par une de ces anciennes institutrices qui s’est retrouvée également dans le même camp qu’elle. |
La fuite de Lale | Lale est transféré dans un camp en Autriche moins stricte et parvient à s’y échapper en passant sous un grillage. Il se fait engager par des russes pour leur trouver des filles de compagnie issues du village. Il profite du départ de son accompagnateur Friedrich pour partir et ne jamais revenir. | Lale s’échappe lors des marches de la mort mais il est capturé par l’armée russe et utilisé pour recruter des femmes pour les soldats. Il parvient à prendre la fuite. |
Rendez-vous après les camps | Lale et Gita se retrouvent à Bratislava par pure coïncidence, sans plan préalable. Lale avait uniquement le nom de famille de Gita qu’elle lui a donné avant de quitter le camp. Gita refusait de lui donner des informations sur elle car elle craignait de ne jamais survivre. Elle lui avait promis de tout lui dire, s’ils s’en sortaient. Mais comme tout a été fait dans la précipitation, elle n’a pu que lui donner son nom de famille… | Lale donne un lieu précis à Gita où le retrouver. |
Le jugement de Baretzki | Baretzki a été jugé à Francfort en 1963 et a été condamné à la prison à vie. Il s’est suicidé en prison en 1988. | Lale reçoit une demande de témoignage pour Baretzki qu’il refuse de faire et il apprend le suicide de l’officier SS. |

Que ce soit le livre ou la mini-série, ce récit est tellement poignant. Cet amour, lueur d’espoir au milieu de l’enfer est assez extraordinaire. En plus, pas évident de voir de l’espoir quand on voit tous ces visages filmés face caméra qui sont des personnes tuées par la barbarie d’autres humains. La réalisation accentue le poids de l’horreur et nous rappelle au devoir de mémoire. Tout est gris à Auswhitz lieu de l’horreur contrairement à l’Australie lumineuse du présent avec le vieux Lale. L’ensemble des acteurs sont très justes dans leur jeu en particulier le duo Harvey Keitel et Melanie Lynskey. Cependant, je trouve dommage que les personnages de Victor et Yuri n’aient pas été considérés pour l’adaptation car il y a une vraie belle relation qui s’est établie entre Lale et ces ouvriers dans le livre. Quant à certains passages larmoyants à souhait faits exprès comme la naissance du bébé ou l’identification de corps dans un crématoire, ils apparaissent superficiels enlevant un peu de crédibilité à l’histoire vraie. Enfin, je me suis beaucoup interrogée sur la demande de témoignage de Baretzki même si cela est improbable, ce passage interroge vraiment sur le pardon. C’est audacieux mais je reconnais que j’aime bien la fidélité à la réalité quand on me raconte une histoire vraie, et ce passage en devient alors déroutant. Malgré quelques écarts de la véritable histoire pour créer encore plus d’émotions à la télévision, la mini-série Le Tatoueur d’Auschwitz est un récit puissant qui ne laisse pas impassible et dont il est nécessaire de le raconter.
PROGRAMMATION SPÉCIALE SUR M6 À L’OCCASION DES 80 ANS DE LA LIBÉRATION DES CAMPS

©Martin Mlaka / Sky UK
▶ Les 2 premiers épisodes de la mini-série Le tatoueur d’Auschwitz
▶ Suivis d’un documentaire inédit « L’histoire vraie du tatoueur d’Auschwitz »
La soirée de lancement du mercredi 22 janvier sera présentée par Thomas Sotto depuis le Mémorial de la Shoah.