Avez-vous entendu parler de l’affaire dite du « violeur de la Sambre* » ? Peut-être pas car cette affaire aussi incroyable soit-elle, a été très peu relayée dans les médias. Pourquoi ? Parce que cette affaire dérange ? Elle met à mal tout un système français et une histoire du viol dans notre pays que l’on n’ose pas regarder dans les yeux… SAMBRE prend son inspiration dans des faits réels pour tisser une fiction captivante. Au cœur de cette histoire se trouve une affaire judiciaire exceptionnelle, mettant en lumière une série de viols et d’agressions sexuelles survenue dans le nord de la France au cours des trente dernières années. Cette mini-série est réalisée par Jean-Xavier de Lestrade (Lætitia, Jeux d’Influence) et écrite par Marc Herpoux (Pigalle, La Nuit, Les Témoins) et Alice Giraud, journaliste et auteur de l’ouvrage Sambre : Radioscopie d’un fait divers, qui débute en tant que scénariste avec ce projet pour France 2.
Lors de l’événement presse autour de SAMBRE, j’ai eu la chance de rencontrer l’équipe : le réalisateur Jean-Xavier de Lestrade, les scénaristes Alice Giraud et Marc Herpoux, la conseillère de programme de France Télévisions Carole Le Berre et les comédiens : Alix Poisson, Clémence Poésy, Pauline Parigot et Jonathan Turnbull. Avec eux et mes camarades journalistes, nous avons échangés sur l’enjeu de cette mini-série ce qu’elle représente et comment raconter une telle affaire judiciaire.
SAMBRE : témoignages vidéo des acteurs
Une des forces de SAMBRE, c’est d’avoir choisi différents points de vue : la victime, la juge, la maire, la scientifique, le commandant et le violeur. L’affaire progresse à travers des points de vue qui racontent tous quelque chose sur l’enquête. Trois comédiens, Clémence Poésy, Pauline Parigot, Jonathan Turnbull, ont accepté de parler de leur personnage en vidéo ce qui permet d’avoir donc trois points de vue sur l’affaire : la juge, la scientifique et le violeur. Comme je veux m’assurer qu’il y ait aucun spoilers ou que vous soyez influencé dans votre visionnage de la mini-série, je mettrai les autres vidéos en ligne au fur et à mesure de la vidéo.
LA JUGE
1996. Irène Dereux, jeune juge d’instruction, comprend qu’il y a un violeur en série qui sévit dans la région. Ce que personne n’a su ou voulu voir jusqu’ici… Elle est bouleversée par ces femmes détruites qui défilent dans son bureau, et veut tout faire pour qu’une enquête sérieuse soit menée. Mais elle doit faire face à un procureur très réticent sur cette affaire et des policiers récalcitrants à son égard. Ils ne comptent pas se laisser impressionner par une jeune magistrate de 27 ans.
2007. À la suite d’une série de viols commis de l’autre côté de la frontière, une juge d’instruction belge décide de faire appel à une scientifique experte en géomatique. Il faut identifier la zone où habite le violeur. Cette méthode, inspirée des investigations menées par le FBI, vise à croiser différentes données : localisations des viols, horaires auxquels ils ont été commis ou état du réseau routier. Mais Cécile Dumont, la scientifique, n’a jamais approché une affaire criminelle…
La force de la fiction pour raconter une telle affaire !
SAMBRE, une œuvre d’utilité publique. Comme l’exprime Jean-Xavier de Lestrade : « Ça me paraissait, moi, tout de suite, quand Alice nous a parlé du projet, essentiel que ça soit sur le service public, service public d’audience maximale. Il faut que cette histoire ait cette dimension-là. Il fallait qu’elle soit présentée à un public le plus large. » Un propos soutenu par Carole Le Berre, conseillère programme de France Télévisions qui a accompagné le projet, elle ajoute : « Ça raconte 30 ans de notre incapacité collective, tout simplement à penser, imaginer, appréhender ce que c’est que le viol, échapper au déni, que ce soit le déni pour les victimes, ou le déni pour la manière d’envisager les agresseurs, la manière d’essayer de les empêcher, d’agir donc, ça nous a paru indispensable, essentiel. »
Alice Giraud, auteur de Sambre : Radioscopie d’un fait divers, avait un véritable désir de proposer une version de son enquête en fiction. Alice Giraud explique : « Alors que je travaillais comme journaliste sur l’enquête et j’écrivais ce livre. J’ai eu envie, presque besoin de le transformer aussi en fiction pour plein de raisons: des raisons personnelles et des raisons plus politiques. Il y a des choses qu’on peut dire avec avec le récit journalistique, et puis, il y a des choses qu’on peut dire qu’avec la fiction, et parce qu’on ne part pas du même endroit. Dans le récit journalistique, l’enquête est un préalable, parce que cette histoire, on n’en a pas parlé, parce qu’on ne la connaissait pas, personne n’en parle. Il fallait d’abord la raconter, établir les faits, enquêter, et c’est un préalable, c’est-à-dire de construire un récit. Je considérais que cette affaire allait nous permettre de raconter quelque chose sur notre société et en même temps avec la fiction, elle permet de se situer à un endroit qui est difficile à atteindre pour le journalisme, qui est celui de l’intime et sur un sujet tel que le viol, c’est le point central. » Son co-auteur Marc Herpoux explique davantage le process d’écriture : « Si on respecte les faits, les personnages, leur intimité, ce qu’on raconte sur eux. Ça doit se raconter à l’intérieur de chaque épisode. L’épisode doit raconter quelque chose autour du personnage et ce qu’on a envie de nous, de raconter, et pas ce qui est le personnage dans la vraie vie. » D’où les changements de noms et le fait que les personnages sont proches d’une réalité mais pas la réalité comme Jean-Xavier de Lestrade renchérit : « C’est plutôt d’utiliser la fiction pour, pour faire ressortir ce que ça raconte, donner le sens profond à l’histoire et pour ça, on passe par des véhicules qui sont des personnages, des intrigues. Les personnages existent tous. Si on prend le premier personnage, Christine, c’est c’est plusieurs victimes, c’est un peu presque toutes les victimes qui, elles, peuvent toutes se reconnaître et en même temps, c’est aucune des victimes. C’‘était hyper important du point de vue des victimes, qu’elles ne se reconnaissent pas.«
La mini-série n’a pas été tournée volontairement dans la Sambre par respect pour les victimes mais dans le Nord de la France. C’est un récit éprouvant mais nécessaire.
* Sambre est une rivière franco-belge, affluent de la Meuse, de 190 km de long.
Sa condamnation est donc définitive. Une deuxième information judiciaire a cependant été ouverte au printemps 2023 par le parquet de Valenciennes pour une quinzaine d’autres faits d’agressions sexuelles et de viols commis entre 1988 et 2009. Il s’agit de victimes dont les plaintes avaient été égarées ou que la justice avait écarté dans un premier temps.
Sambre (6×52′) est à voir sur France 2 !