Le jury du 64ème Festival de Télévision de Monte-Carlo était présidé Judith Light et parmi les membres de son jury, il y avait Brendan Fitzgerald, actuel directeur général du studio espagnol Secuoya. Brendan Fitzgerald est une figure majeure de l’audiovisuel, fort de 30 ans d’expérience. Il a commencé à Sony Pictures Television et après être passé chez Beta Film, il a rejoint l’aventure Secuoya Studios. C’est un désir d’être au plus près de la production qui a motivé Brendan Fitzgerald à accepter ce poste prestigieux en Espagne : « Mon envie était d’être au plus près de la production et de le faire en tant que Directeur Général d’une grande entreprise comme Secuoya était pour moi une opportunité formidable sans compter le défi de le faire en espagnol.« . Afin d’en savoir plus sur ses défis du quotidien, j’ai eu la chance d’interroger Brendan Fitzgerald. Nous avons parlé de son expertise en coproduction mais aussi de ses ambitions pour Secuoya Studios.
Quand on a un expert de la coproduction en face de soi, on a simplement envie de lui demander qu’est-ce qui fait une bonne coproduction ? Quelle est la recette ? Voici celle de Brendan Fitzgerald :
Je pense qu’il existe aujourd’hui trois modèles. Avant, il n’y en avait que deux. Le premier modèle était la coproduction. Le deuxième consistait à produire aux États-Unis, puis à forcer les autres à acheter le contenu. Et le troisième, plus récent dans l’histoire de la télévision, est celui des rachats mondiaux par les plateformes de streaming.
Toute ma carrière a été consacrée à ce domaine : j’ai commencé avec les coproductions Beta Film, puis le pendule a oscillé, et maintenant je reviens à la coproduction. Mais pour moi, une bonne coproduction, c’est quand il n’y a que deux partenaires, pas trois. Il faut pouvoir dire « non » rapidement quand ça ne nous intéresse pas, obtenir un « oui » tout aussi vite, et vraiment prendre le temps de voyager, d’échanger, et de comprendre ce que chacun recherche. L’idée est d’apporter une solution, pas un fardeau. Sur le plan créatif, c’est essentiel.
Sur le plan financier, il faudrait pouvoir couvrir 80 % de vos coûts grâce à un crédit d’impôt (si vous en avez un) et à deux partenaires en coproduction. Il reste alors 20 % à couvrir via la distribution internationale, et ça suffit.Si vous n’avez pas de crédit d’impôt et que vous devez obtenir 80 % du financement auprès de deux partenaires, vous n’y arriverez probablement pas.
Et dans le paysage audiovisuel actuel, quelle est la stratégie de Secuoya Studios ? On sait que qu’un accord pluriannuel de First Look avec le producteur Sydney Gallonde a été signé dans l’optique de développer des histoires françaises à vocation internationale, marquant la première incursion du studio espagnol en France. Pour avoir une idée plus précise, Secuoya Studios c’est 12 plateaux de tournage, un plateau LED complet, un centre de post-production entièrement équipé, ainsi qu’un service d’effets visuels. Il y a une université à l’intérieur du complexe qui forme uniquement aux métiers techniques de la production et c’est la deuxième plus grande société de location de matériel en Espagne. Brendan Fitzgerald veut utiliser les atouts de son studio au maximum d’où son ambition :
Mais pour pouvoir augmenter le volume sans perdre en qualité, nous avons dû mettre en place des équipes dédiées. Nous avons donc créé ces « pods » (cellules de production). Nous en avons aujourd’hui dix : au Mexique, à Bogota en Colombie, à Miami (États-Unis), au Royaume-Uni, dans les pays nordiques, à Sydney, en France, et plusieurs en Espagne.
L’idée, c’est que ces dix « pods » fonctionnent comme dix producteurs parallèles. L’un développe, l’autre est en post-production, un autre vient de commencer le tournage, etc. Le but est d’avoir une activité continue tout au long de l’année, chaque « pod » devant livrer trois séries tous les deux ans. Concrètement, on en termine une la première année, on en démarre une autre l’année suivante, et ainsi de suite.
Une volonté de mettre le turbo et notamment sur la fiction aussi bien celle du petit écran que le grand. Mais comme ici, on parle que de séries, Brendan Fitzgerald m’a donné un aperçu des séries sur lesquelles Secuoya Studios travaille :
Shades : Série espagnole au casting prestigieux (Ángela Molina, Luis Tosar, Maxi Iglesias), pensée avant tout pour le public espagnol et diffusée via Sky Showtime dans 21 pays européens, avec un fort potentiel international.
Bacardi : Série en développement sur l’histoire de la famille Bacardi, prévue pour un tournage fin 2025, portée par un scénariste de renom et un casting encore confidentiel ; projet phare pour la fin d’année, déjà soutenu par la famille et l’entreprise Bacardi.
Crossroads : Série au modèle financier innovant (80 % de financement assuré via crédit d’impôt et client), actuellement vendue dans un seul pays et visant une distribution internationale ; lancement prévu dans environ trois semaines.
Enfin, l’interview se termine avec son analyse sur la marché audiovisuel concernant les contenus scriptés et Brendan Fitzgreald considère :
Aujourd’hui, je pense qu’on est dans une très bonne position, parce qu’on a dépassé le « peak TV ». Même si on est à 80 %, voire 60 % du volume du « peak TV », on y est toujours. Se plaindre qu’on n’est plus à ce moment où l’humanité a produit plus de contenus audiovisuels qu’elle ne l’avait jamais fait en millions d’années, c’est ridicule.
Je préfère un marché plus stable, qui croît à 3 %, plutôt qu’une croissance effrénée où personne ne sait quand ça va s’arrêter. Aujourd’hui, mes clients et moi, nous sommes tous les deux soumis à des résultats financiers, c’est plus équitable. Bien sûr, Netflix pourrait nous racheter mille fois, mais nous sommes tous deux soumis à des comptes de profits et pertes.
Je peux maintenant proposer quelque chose à un client, lui faire payer exactement ce dont il a besoin, puis prendre le risque moi-même et essayer de trouver un autre projet ensuite.
Brendan Fitzgerald nourrit une ambition claire : faire de Secuoya Studios, un acteur majeur voire un incontournable de la production de séries bien au-delà des frontières de l’Espagne. Une véritable stratégie est mise en place pour concrétiser cette vision au service de la création et rayonnement des séries et bien plus.
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