Robe de mariée ensanglantée, couteau à la main, Natalie, jeune mariée, est accusée d’avoir tué son mari le soir de ces noces ! Alors que tous les regards sont tournés vers elle, la principale accusée clame son innocence. Il s’est clairement passé quelque chose le jour de ce mariage mais c’est mystique, inquiétant et surtout fascinant. Tout comme le personnage de Reda Kateb, Karim, le téléspectateur est intrigué par Natalie (Nadia Tereszkiewicz) et sa famille et ses rituels étranges. Natalie a-t-elle été possédée ? L’oeuvre d’un dibbouk ? Découvrez la série POSSESSIONS sur Canal +, une création originale et co-production franco-israélienne imaginée par Shachar Magen (créateur de Sirènes) en collaboration avec Valérie Zenatti.
Lors d’une conférence de la conférence de presse de la série, j’ai eu la chance de rencontrer l’équipe de Possessions et de leur poser des questions : Le réalisateur Thomas Vincent, Scénariste Valérie Zenatti, Judith Chemla, Aloise Sauvage, Nadia Tereszkiewicz et Reda Kated. Ils ont réussi à me posséder avec cette série et j’espère qu’avec cette interview vous subirez la même possession !
POSSESSIONS par un dibbouk ?
Avant d’entamer la série, petit précision sur le mythe du dibbouk. D’ailleurs, en version israélienne, la série s’appelle tout simple « dibbouk ». Ce mythe a inspiré l’essence de la série. Valérie Zenatti, collaboratrice de l’auteur israélien Shachar Magen vous donne la définition du dibbouk :
Valérie Zenatti : « Le mythe du dibbouk est un mythe sur une âme qui n’est pas en repos. Une âme blessée qui peut venir hanter les vivants mais hanter aussi dans le bon sens, c’est-à-dire, elle va aimer la personne qu’elle possède. Donc, c’est un mythe qu’on trouve en Europe dans la société juive ashkénaze, en Europe centrale vers la Pologne, Roumanie ou Hongrie. C’est un mythe qui est présent d’abord à travers la littérature et les croyances profondes ».
Écrire en prenant possession des personnages
Comment avez-vous travaillé au niveau du scénario avec l’auteur israélien Shachar Magen?
Valérie Zenatti : « Écrire, c’est un acte très intime et parfois solidaire mais totalement un acte d’équipe surtout quand on part d’un projet tel que celui-ci. C’est difficile d’isoler ma propre part. Mais, dans ce travail autour de la question de l’abus, de la féminité, dans une société où la tension est grande autour de l’apparence physique, des projections que l’on fait sur une femme, de sa liberté ou pas. Shachar et moi, on s’est aussi retrouvé dans ces sujets de prédilection. Ce qui était au coeur de cette histoire, c’était comme interpréter ce que l’on voit parce qu’il ne suffit pas de voir pour savoir. On sait que les images sont manipulables d’abord, par le cerveau, d’abord par notre propre conscience et elles sont aussi manipulables par les autres. On est totalement dans l’ère de l’image manipulée et dans l’ère du soupçon. On est dans un monde où des millions de gens nient l’existence d’un virus ce qui peut nous sembler aberrant. Donc, allez à l’extrême de l’aberration. On a une jeune femme qui a un couteau ensanglanté qui dit aux gens autour d’elle, qu’est-ce que vous lui avez fait. Cette première image est celle qui nous a permis à Shachar et moi d’avoir un dialogue à partir de là sur les personnages le père, la mère, les soeurs de manière très intime, sur Karim. Il n’y avait pas de hiérarchie entre eux. Ce n’est pas le nombre de scènes où ils apparaissent qui importe. Ils ont tous pour nous la même importance parce que tous détiennent une clef concernant le mystère. Mais, une seule finalement et on voulait explorer la clef de chacun. On a apporté une attention à chaque personnage et on s’est projeté en chacun d’eux y compris dans ceux qui nous étaient les plus étrangers parce que ce que l’on partage, c’est l’envie d’écrire sans juger. On ne voulait pas juger Rosa, par exemple, qui est tout simplement dingue. Non, on voulait la comprendre et l’aimer. Ce personnage est une clef pour leur donner de la force même si parfois leurs actes peuvent frôler le ridicule ou l’outrance. C’est ce qui est intéressant, c’est d’avoir des personnages avec lesquels, on est à 100% dans l’excès ».
Des acteurs possédés par les langues
Possessions est une série principalement en français et en hébreu. Les acteurs ont effectué un travail sur la langue piloté par Valérie Zenatti. L’auteur explique son rôle.
Valérie Zenatti : « Étant bilingue français/hébreu et ayant rejoint ce projet entre autres pour cette raison. Je me situe moi-même depuis ma toute petite enfance à la lisière, cette série est une série sur la frontière, la lisière. Moi, je suis à la lisière. Je suis née en France. J’ai une vision profondément forgée par la France et l’Europe et le judaïsme est aussi inscrit dans mon histoire ainsi qu’Israël. Il se trouve que j’ai pu travailler avec les comédiens ici présents et les israéliens sur leurs scènes en français lorsqu’ils étaient israéliens ou en hébreu lorsqu’ils étaient français. J’ai aimé ce travail parce que s’il y a une caractéristique qui lie tous les comédiens de cette série, pour moi, outre leur puissance de jeu, c’est leur intelligence. Il y a eu un niveau d’intelligence sur ce tournage assez exceptionnel qui allait au-delà de comment je vais incarner ce personnage. La question, il me semble pour eux, était plutôt comment cette histoire passe par mon personnage. C’était ça aussi la question. Comment cette histoire passe par les dialogues y compris les dialogues que je vais dire dans une langue qui n’est pas la mienne. J’ai abordé ça avec eux un peu comme de la musique, c’est-à-dire, on peut tout à fait chanter une chanson dans une langue étrangère quand le sens est porté par la musique. On a travaillé sur cette musicalité de la langue qui leur a permis, avec tout leur talent, de donner du sens à des mots qui ne l’ont pas, pour eux, qui n’ont pas la clarté de leur langue maternelle. Ils ont fait un travail prodigieux. Je pense à Noa Koler qui joue le rôle d’Esti, notre flic, qui ne parlait pas un mot de français avant le tournage. Je pense à Aloise Sauvage qui a une séquence en hébreu d’anthologie. Je pense à Reda dont son personnage apprend l’hébreu. On le découvre ainsi et c’est pour moi révélateur de cet entêtement que possède le personnage de Karim. Karim est quelqu’un de très retenu au début de la série mais qui a déjà par ce détail et d’autres une forme de volonté qui est assez rare. Cette volonté qui demande qu’à se déployer devient ce que l’on sait, c’est-à-dire un engagement qui le dépasse lui-même et qui va jusqu’à le mettre en danger ».
le fantastique qui affleure
conte cruel
Comme possédé par l’actrice Nadia Tereszkiewicz
Nadia, c’est votre première série dans une rôle principal. Comment avez-vous vécu cette expérience ? Avez-vous ressenti une responsabilité de marquer le ton de la série ?
Nadia Tereszkiewicz : « J’ai tout de suite ressentie, une grande responsabilité et un honneur que l’on me confie un rôle aussi complexe, fort, aussi ambigu. C’est ça qui est assez dingue, elle doit paraître impénétrable dans le regard des autres mais moi il fallait que je sois claire avec ce que je ressentais. Je me suis beaucoup appuyée sur le casting incroyable que j’ai autour de moi : Reda, mes soeurs, Tchéky Karyo, Dominique Valadié, Ariane Ascaride qui m’ont énormément aidé sur le tournage autant en tant qu’acteur qu’en tant que personne humaine et qui m’ont donné confiance aussi. J’ai eu la confiance de Valérie, Shachar et de Thomas qui a su me guider. Avec Thomas, on avait une sorte de trajectoire à Natalie qui comprend certaines étapes. Elle comprend à d’autres moments que pour tout le monde et du coup, on avait des sortes de codes qui parfois pouvaient évoquer une sensation physique. C’est vrai que je me reposais énormément sur cette trajectoire-là que l’on avait avec Thomas. Je n’avais pas l’impression d’être seule. J’étais vraiment soutenue. Je me suis pas trop posée la question des conséquences. Mais juste d’être logique avec ce que je ressentais. Le personnage évolue énormément et c’est ce qui est génial avec ce personnage. Elle part d’une grande fragilité mais elle est dotée d’une grande détermination qui grandit au fil de la série et d’une force et d’un courage qu’il fallait incarner avec l’aide de tous. J’ai eu de la chance ».
Sombre possession mais avec une pointe d’humour !
Malgré cette histoire plutôt tragique, il y a des touches d’humour appréciable que ce soit avec la mère Rosa et ses rituels farfelus ou bien avec Karim et son côté fonctionnaire coincé. C’était important ces touches d’humour au milieu du chaos ?
Thomas Vincent : « Ce 10% d’humour était absolument essentiel au ton de la série. Pour moi, c’est quelque chose qui vient beaucoup du travail avec les anglais. C’est quelque chose de très cultivé dans le cinéma et la télévision en Angleterre. C’est une forme de délicatesse vis-à-vis du téléspectateur. ça remonte à Shakespeare. Dans Macbeth, cette pièce épouvantable, puis, un moment il y a un personnage qui fait tout un monologue sur l’alcool qui excite la lubricité et l’éteint en même temps qui sort de nulle part. Je trouve que c’est important de permettre au téléspectateur de rires de la noirceur à un moment donné comme une façon de récupérer son libre arbitre par rapport à l’histoire. Sinon, on est dans la complaisance de la noirceur ».
Reda Kateb : « Je suis content de prendre en partie de l’humour de la série. C’est pas tous les jours que ça m’arrive. Je pense que c’est dû en partie au costume, l’identité et le silhouette collent peu avec ce qu’il va faire. Le décalage. Je me souviens d’une scène où je cours dans un cimetière. Je sais vraiment courir 😉 je fais du footing deux fois par semaine. Je cours comme un type qui court pour la deuxième fois de sa vie. Puis, on se disait avec Thomas, est-ce que c’est mieux de le faire courir un peu mieux ? Mais, non c’est ça qu’on raconte, c’est un mec de bureau qui tout d’un coup va rentrer dans une dynamique d’homme d’action mais c’est pas un homme d’action. Je me suis beaucoup amusé à jouer sur les mal aises du corps et le pathétique du personnage. C’est un personnage qui est nommé par d’autres comme faible. À un moment, le personnage de Natalie lui dit mais vous cherchez à vous trouver une raison de vivre mais votre vie, elle est nulle vraiment pathétique. En tout cas, ça m’a plu ».
Reda Kateb ajoute qu’avec son personnage de « Karim Taleb, on pourrait presque faire un spin-off. Karim Taleb, vice-consul de France à Tel-Aviv, c’est une histoire ». :p
Alors, peut-être qu’un spin-off est une bonne idée et il faudrait la suggérer mais malheureusement concernant une saison 2, ce n’est pas à l’ordre du jour. Possession est conçue comme une mini-série de 6 épisodes bouclés. J’ai bien essayé de convaincre Valérie Zenatti et Fabrice de la Patellière, directeur de la fiction de Canal +, de partir sur une autre possession en vain 😉 Mais, il y a certaine d’autres projets en séries à imaginer avec Shachar Magen et Valérie Zenatti.
Avis POSSESSIONS
Possédée dès le premier épisode projeté au festival de la fiction, les épisodes suivants sont tout aussi captivants. Une mini-série envoûtante qui nous tient en haleine jusqu’à la fin. Cette histoire qui affleure le fantastique parvient à embarquer le téléspectateur dans un monde étrange. Comme dans Sirènes, une série de Shachar Magen, on ne sait pas si on est dans du pur fantastique, de la croyance populaire ou peut-être une étrange réalité. Tous les acteurs sont bons dans cette série et Nadia Tereszkiewicz est clairement un talent très prometteurs à suivre. Par ailleurs, le français de Noa Koler est époustouflant quand Valérie Zenatti m’a dit qu’elle ne parlait pas un mot de français, j’étais estomaquée.
Même la fin de cette série est intrigante et le réalisateur Thomas Vincent la résume bien sans spoilers : » Il y avait cette idée de pousser le mystère jusqu’à l’extrême fin. Laisser le téléspectateur douté, est-ce que c’est une histoire d’une famille dysfonctionnelle ou est-ce que c’est une histoire de dibbouk où toutes les choses fantastiques auxquelles on assiste sont avérées. Et de pas finir avec débrouillez-vous avez on laisse le mystère mais de finir avec une hypothèse avec laquelle on laisse le téléspectateur et une hypothèse qui n’est complètement avérée. L’avantage de terminer sur une hypothèse pas très claire, c’est de laisser le téléspectateur libre, de laisser résonner la thématique réelle, la thématique profonde de cette histoire qui est celle de l’abus et de la possession par une famille, par une société du corps d’une femme ».
Possessions à voir sur Canal +